mercredi 11 décembre 2013

Qui est le "Jésus" Catholique?


Avec une pareille théorie, la première personne de la Divinité était mise de côté dans la
pratique. Étant le grand Dieu Invisible qui n'intervenait en rien dans les choses de
l'humanité, il devait être adoré dans le silence1, c'est-à-dire qu'en réalité il n'était pas adoré2
du tout par la multitude. Le même trait est aujourd'hui mis en relief dans l'Inde d'une
manière frappante. Quoique Brahma, d'après les livres sacrés, soit la première personne de
la triade Hindoue, et que la religion de l'Hindoustani soit désignée par son nom, cependant
on ne l'adore jamais3, et dans l'Inde entière, c'est à peine s'il existe
aujourd'hui un seul temple de ceux qu'on élevait autrefois en son
honneur4. Il en est de même en Europe, dans les pays où le système
papal s'est le plus complètement développé. Dans l'Italie papale, de
l'avis de tous les voyageurs (sauf là où l'Évangile a récemment
pénétré) il n'y a presque plus aucune trace d'adoration du Roi Éternel
et Invisible, tandis que la mère et l'enfant sont les deux grands objets
du culte. Il en était absolument de même dans l'ancienne Babylone.
Les Babyloniens dans leur religion populaire adoraient par-dessus tout une mère déesse
et son fils, qui était représenté dans les tableaux et par des statues comme un petit enfant
dans les bras de sa mère (fig. 5 et 6). De Babylone le culte de la Mère et de l'Enfant se
répandit jusqu'au bout du monde. En Égypte, la Mère et l'Enfant étaient adorés sous les
noms d'Isis et d'Osiris5.
Dans l'Inde, même aujourd'hui, sous les noms d'Isi et d'Iswara6. En Asie, c'est Cybèle et Deoius7. Dans la
Rome païenne, la Fortune et Jupiter Puer, ou Jupiter l'enfant8. En Grèce, Gérés la grande Mère avec un
nourrisson au sein9, ou Irène, la déesse de la paix, avec l'enfant Plutus dans les bras10, et même au Thibet, au
Japon, en Chine, les missionnaires Jésuites ont été bien surpris de trouver la contrepartie de la Madone11 et son enfant adorés aussi dévotement que dans la Rome papale elle-même; Shing-Moo, la Sainte Mère des
Chinois était représentée avec un enfant dans les bras, et entourée d'une gloire, absolument comme si un
artiste catholique Romain avait pris soin de la peindre12.

Section 1 - L'Enfant en Assyrie:

L'original de cette mère si généralement adorée était, nous avons des raisons de le croire, cette même
Sémiramis13 dont nous avons déjà parlé. Elle était adorée par les Babyloniens14 et d'autres peuples de l'Orient15
sous le nom de Rhéa16 la grande déesse Mère. C'était du fils, cependant, qu'elle tenait toute sa gloire et tous
ses titres à la déification. Ce fils, quoique représenté comme un enfant dans les bras de sa mère, était une
personne d'une grande stature, d'une immense force corporelle, et de manières séduisantes. Dans l'Écriture
il est désigné sous le nom de Tammuz (Ézéchiel VIII, 14) mais les écrivains classiques l'appellent d'ordinaire
du nom de Bacchus. C'est-à-dire "le Regretté"17. Le nom de Bacchus ne rappelle au lecteur ordinaire qu'une
idée de débauches et d'ivrognerie, mais on sait aujourd'hui que dans toutes les abominations qui
accompagnaient ses orgies, on poursuivait ouvertement ce grand but: la purification des âmes18, c'est-à-dire
leur délivrance du péché et de ses souillures. Le dieu Regretté qu'on exposait et qu'on adorait sous la forme
d'un petit enfant dans les bras de sa mère paraît avoir été le mari de Sémiramis, dont le nom, Ninus, par lequel
il est ordinairement connu dans l'histoire classique, signifie littéralement le Fils19. Comme Sémiramis, la
femme, était adorée sous le nom de Rhéa, dont le caractère distinctif était celui de la grande Mère Déesse20,
la réunion de l'épouse avec l'époux sous le nom de Ninus ou le Fils, suffisait à expliquer l'origine du culte
étrange de la Mère et du Fils, si répandu parmi les nations de l'antiquité; et c'est là sans doute l'explication
de ce fait qui a tant embarrassé ceux qui se sont occupés de l'histoire ancienne, que Ninus est quelquefois
appelé l'époux, et quelquefois le Fils de Sémiramis21. C'est aussi ce qui explique l'origine de la même
confusion des rapports qu'il y avait entre Isis et Osiris, la Mère et l'enfant des Égyptiens; car, ainsi que le
montre Bunsen, Osiris était représenté en Égypte à la fois comme le fils et le mari de sa mère, et portait comme titre de dignité et d'honneur le nom de mari de la mère22.
Ces détails jettent encore de la lumière sur ce fait déjà remarqué, que le Dieu Hindou Iswara est représenté
comme un nourrisson au sein de sa propre femme Isi, ou Parvati.
Or ce Ninus, ou le Fils, porté dans les bras de la Madone Babylonienne, est décrit de telle manière que nous
pouvons l'identifier avec Nemrod. Ninus, roi des Assyriens23, nous dit Trogue Pompée, résumé par Justin, "fut
le premier qui, animé d'une passion nouvelle, le désir des conquêtes, changea les moeurs paisibles de
l'antiquité. Il fit le premier la guerre à ses voisins et conquit toutes les nations depuis l'Assyrie jusqu'à la
Lybie, car elles ignoraient encore l'art de la guerre24." Diodore de Sicile nous donne un récit qui s'accorde
entièrement avec celui de Trogne Pompée; il ajoute même un trait qui démontre plus complètement cette
identité: "Ninus, dit-il, le plus ancien roi d'Assyrie mentionné par l'histoire, fit de grandes actions.
Naturellement belliqueux, et ambitieux de la gloire qui vient de la valeur, il arma un nombre considérable de
jeunes gens braves et vigoureux comme lui, leur fit faire pendant longtemps des exercices laborieux et de
pénibles travaux, et les accoutuma ainsi à endurer la fatigue de la guerre et à affronter courageusement les
dangers25." Puisque Diodore fait de Ninus le plus ancien roi d'Assyrie et qu'il le représente comme ayant
inauguré ces guerres qui ont élevé sa puissance à un degré extraordinaire en lui soumettant les habitants de
la Babylonie, cela montre qu'il occupait exactement la même position que Nemrod dont l'Écriture dit: "Ce fut
le premier qui commença à être puissant sur la terre (I Chroniques I, 10), et il régna d'abord sur Babylone."
(Genèse X, 8). Comme les constructeurs de Babel, lors de la confusion de leur langage, furent dispersés avec
lui sur la surface de la terre et quittèrent la ville et la tour qu'ils avaient commencé de bâtir, Babylone, comme
cité, n'existait pas avant que Nemrod, en y établissant son pouvoir, en fît le fondement, et le point de départ
de sa grandeur. À ce point de vue donc, l'histoire de Ninus et celle de Nemrod s'accordent exactement. La
manière dont Ninus obtint son pouvoir est aussi la même dont Nemrod éleva le sien. Il est hors de doute que
ce fut en endurcissant ses partisans aux fatigues et aux dangers de la guerre, qu'il les forma peu à peu au
métier des armes et qu'il les prépara à l'aider dans l'établissement de sa souveraineté absolument comme
Ninus, en accoutumant ses compagnons pendant longtemps à des exercices pénibles et à de durs travaux, les rendit propres à faire de lui le premier roi des Assyriens.
Les conclusions que nous tirons de ces témoignages de l'histoire se trouvent puissamment confirmées par
d'autres considérations. Nous avons dans Genèse X, 11, un passage qui, bien compris, jette une vive lumière
sur le sujet. Voici ce passage tel que le donne la version ordinaire: "De ce pays-là sortit Asshur, et il bâtit
Ninive." Il y est dit comme si c'était une chose extraordinaire, qu'Asshur sortit du pays de Schinar, tandis que
la race humaine en général venait du même pays. Cette version se fonde sur cette hypothèse qu'Asshur avait
une sorte de droit divin sur ce pays, et qu'il en avait été en quelque sorte chassé par Nemrod: mais aucun autre
passage du contexte ne fait la moindre allusion à ce droit divin et je ne crois pas qu'on puisse le prouver. De
plus, cette traduction représente Asshur comme établissant dans le voisinage immédiat de Nemrod un
royaume aussi puissant que celui de Nemrod lui-même: Asshur bâtit quatre cités, dont l'une est appelée par
emphase "la grande" (Genèse X, 12). Nemrod d'après cette interprétation, bâtit exactement le même nombre
de villes, dont aucune n'est caractérisée comme "grande". – Or, il est tout à fait invraisemblable que Nemrod
ait supporté patiemment près de lui un rival si puissant!
Pour résoudre ces difficultés, on a proposé de traduire aussi: "Il (Nemrod) sortit de ce pays et vint à Asshur",
ou en Assyrie. – Mais alors, selon la grammaire, il faudrait qu'il y eût dans le texte "Assurah", avec le signe
de mouvement vers un lieu, tandis qu'il y a simplement Asshur, sans suffixe. Je suis persuadé que la
perplexité des commentateurs, à propos de ce passage, vient de la supposition qu'il y a là un nom propre,
tandis qu'en réalité il n'y en a pas du tout. Asshur est le participe passif d'un verbe qui en Chaldéen signifie
rendre fort26, et veut par conséquent dire: rendu fort, ou fortifié. Si on lit ainsi ce passage il devient clair et
naturel: (Genèse X, 10) "Et il commença à régner sur Babel, Erech, Accad et Calneh." – Un "commencement"
implique évidemment une suite, et cette suite la voici: (Genèse X, 11) "Il vint hors de ce pays, lorsqu'il fut
devenu fort, (Asshur) et il bâtit Ninive etc." – Or, ceci s'accorde parfaitement avec la déclaration de l'histoire
ancienne de Justin: "Ninus augmenta par des conquêtes incessantes l'étendue de ses possessions. Il soumit
ses voisins, recruta encore des troupes pour aller combattre d'autres peuplades, et chaque victoire nouvelle
lui préparant ainsi le chemin pour d'autres encore, il vainquit tous les peuples de l'Orient27." Ainsi donc
Nemrod ou Ninus bâtit Ninive; et l'origine du nom de cette ville en tant qu'habitation de Ninus, s'explique
aisément28. Nous voyons aussi par là pourquoi le nom de la principale partie des ruines de Ninive s'appelle
aujourdhui Nimroud29.
Ninus donc n'est autre que Nemrod; et l'explication que cette affirmation nous donne de certains faits
inexpliqués de l'histoire ancienne confirme puissamment la justesse de cette conclusion. Ninus dit-on, fut le
fils de Belus ou Bel, et Bel, dit-on, fut le fondateur de Babylone. Si Ninus fut en réalité le premier roi de
Babylone, comment Belus ou Bel son père peut-il en avoir été le fondateur? Les deux pourraient bien l'avoir
été, comme on le verra quand nous aurons examiné qui était Bel et ce que nous pouvons connaître de ses
actions. Si Ninus et Nemrod n'étaient qu'un, qui était le Bel de l'histoire? Ce doit avoir été Cush; car Cush
engendra Nemrod (Genèse X, 8) et on fait ordinairement de Cush le chef de la grande apostasie30. Mais Cush
comme fils de Ham était Hermès ou Mercure; car Hermès est un synonyme Égyptien du fils de Ham31. Or, Hermès était le grand prophète qui donna naissance à l'idolâtrie: car il était reconnu par les païens comme
l'auteur de leurs cérémonies religieuses et comme l'interprète des dieux.

Le célèbre Gésénius l'identifie avec le Babylonien Nebo, dieu de la prophétie; et Hyginus montre qu'il était
connu comme principal acteur dans ce mouvement qui produisit la confusion des langues. Voici ses paroles:
"pendant longtemps les hommes vivaient sous le gouvernement de Jove (évidemment ce n'est pas là le Jupiter
des Romains, mais le Jéhovah des Hébreux) sans villes et sans lois, parlant tous le même langage. Mais
Mercure ayant interprété les discours des hommes, (de là le nom de Hermeneutes donné à un interprète)
sépara aussi les nations. Dès lors la discorde commença32." Ici il y a évidemment une énigme. Comment
Mercure ou Hermès avait-il besoin d'interpréter le langage des hommes puisqu'ils parlaient tous le même
langage? Il faut pour le comprendre s'en rapporter au langage des mystères. Peresh, en Chaldéen, signifie
interpréter, mais ce mot était autrefois prononcé par les Égyptiens et les Grecs, et souvent par les Chaldéens
eux-mêmes de la même manière que "Pères", diviser. Mercure, donc, ou Hermès, ou Cush, le fils de Ham,
était "celui qui sépare les langages". C'est lui, semble-t-il, qui aurait été le promoteur du projet de construire
la grande cité et la tour de Babel; et comme le titre bien connu de Mercure (l'interprète des dieux) paraît
l'indiquer, il les aurait encouragés au nom de Dieu à continuer leur téméraire entreprise, il aurait ainsi amené
la confusion des langues et la dispersion des hommes sur la terre. Or, rapprochez cela du nom de Belus, ou
Bel donné au père de Ninus ou Nemrod. Tandis que le nom de Belus représentait à la fois le Baal et le Bel
des Chaldéens, c'était cependant deux titres distincts. Ces titres étaient souvent donnés au même dieu, mais
ils avaient deux sens entièrement différents. Baal, comme nous l'avons déjà vu signifiait le Seigneur; mais
Bel signifiait celui qui confond. Quand donc nous lisons que Belus, père de Ninus, bâtit ou fonda Babylone,
peut-on douter dans quel sens on lui donne le titre de Belus?
C'était évidemment dans le sens de Bel, celui qui confond. C'est à ce sens du nom du Babylonien Bel que
Jérémie fait une allusion bien claire quand il dit: (Jérémie L, 2) "Bel est confondu", c'est-à-dire: celui qui
confondait est maintenant confondu. Cush était connu de l'antiquité païenne sous le caractère même de Bel,
celui qui confond, c'est ce que démontre très clairement un passage d'Ovide: c'est le passage où Janus le dieu
des dieux33, duquel tous les autres dieux tirent leur origine, dit de lui-même34: les anciens m'ont appelé
Chaos35. Or,
1/
ce passage montre d'une manière décisive que le Chaos était non seulement connu comme un état de
confusion, mais comme le dieu de confusion.
2/
Tous les lecteurs un peu au courant des règles de la prononciation du Chaldéen savent que le Chaos
est précisément une des formes usitées du nom de Chus ou Cush36.

Dès lors, qu'on se rappelle le symbole de Janus (fig. 7) que les anciens appelaient Chaos, et l'on verra à quel
degré elle s'accorde avec les actions de Cush, quand on l'identifie avec Bel celui qui confond. Ce symbole est
une massue, et le nom d'une massue en Chaldéen vient d'un mot qui signifie mettre en pièces, ou disperser37.
Celui qui produisit la confusion des langues fut le même qui brisa l'unité de la terre et en dispersa au loin les
fragments (Genèse XI, 1). Quelle signification dès lors dans ce symbole de la massue, qui rappelle l'oeuvre
de Cush ou Bel, celui qui confond! Ce sens n'apparaîtra que mieux encore si on lit le texte Hébreu (Genèse
XI, 9) où le mot qui veut dire une massue est le même nom employé par l'auteur, lorsqu'il dit que par suite
de la confusion des langues les enfants des hommes furent dispersés au loin sur la terre38! Le mot qui dans
ce passage est employé pour disperser est Hephaitz, qui en grec devient Hephaizt39 et de là vient le nom bien
connu mais généralement mal compris de Hephaïstos, Vulcain, le père des dieux40. Hephaïstos est le
promoteur de la première révolte, celui qui disperse au loin, comme Bel est le nom du même personnage sous
le caractère de "celui qui confond les langues". Le lecteur peut donc voir maintenant l'origine réelle du
marteau de Vulcain qui est aussi un autre nom de la massue de Janus ou du Chaos le dieu de confusion; il y
a une allusion cachée à ce marteau qui brise la terre en pièces dans Jérémie L, 23, où le prophète apostrophe
ainsi Babylone qu'il identifie à son ancien dieu: "Comment est-il rompu et brisé, le marteau de toute la terre?"
– Or, comme la construction d'une tour après le déluge était le premier acte d'une rébellion déclarée, et que
Bel, ou Cush en était le promoteur, ce fut naturellement le premier à qui on donna le nom de Merodach, le
grand rebelle41, et selon le parallélisme ordinaire du langage prophétique, nous avons une allusion aux deux
noms bien connus du dieu Babylonien dans cette prédiction du jugement sur Babylone: "Bel est confondu,
Merodach est brisé" (Jérémie L, 2). Le jugement qui vient frapper le dieu Babylonien est conforme à ses
propres actions. Bel a confondu la terre entière, à son tour il est confondu. Merodach, par la rébellion qu'il
avait suscitée, a mis en pièces le monde jusqu'alors si uni, à son tour, lui aussi, il est mis en pièces. Voilà quel
est le caractère historique de Bel, identifié avec Janus ou le Chaos, le dieu de confusion, avec sa massue
symbolique42.
En nous basant sur ces conclusions, nous voyons aisément comment on peut dire que Bel ou Belus, père de
Ninus, fonda Babylone, tandis qu'en réalité ce fut Ninus ou Nemrod qui la bâtit. Or, quoique Bel ou Cush,
spécialement désigné comme posant les premières fondations de Babylone, pût être considéré comme le
premier roi de la ville, (c'est ainsi qu'il est représenté dans quelques copies de la "chronique d'Eusèbe"),
cependant il est bien évident, d'après l'histoire sacrée et profane, qu'il n'aurait jamais pu régner en qualité du roi de la monarchie Babylonienne; et en conséquence dans la version Arménienne de la "chronique d'Eusèbe",
(qui porte un cachet d'exactitude et d'autorité incontestables), son nom est entièrement omis sur la liste des
rois d'Assyrie, tandis que celui de Ninus est le premier, en termes qui correspondent exactement à la
description que l'Écriture fait de Nemrod. Si donc on considère ce fait que l'antiquité fait toujours de Ninus
le fils de Belus ou Bel, on verra que l'identité de Ninus et de Nemrod est encore mieux confirmée puisque le
Bel de l'histoire est le même que Cush.

Mais si nous considérons ce qu'on dit de Sémiramis, femme de Ninus, l'évidence s'accroît encore, et nous
pourrons conclure que la femme de Ninus ne pouvait être que la femme de Nemrod: de plus, nous mettrons
en lumière un des grands caractères sous lesquels on adorait Nemrod divinisé. Dans Daniel XI, 38, on nous
parle d'un dieu appelé "Ala Mahozim43", c'est-à-dire le dieu des fortifications. – Les commentateurs ont été
fort embarrassés de dire qui était ce dieu des fortifications. Dans les annales de l'antiquité on a généralement
ignoré l'existence d'un dieu des fortifications; et il faut avouer que le lecteur ordinaire n'y découvre aucun dieu
de ce genre qui frappe l'attention. Mais tout le monde sait qu'il y a une déesse des fortifications. Cette déesse
était Cybèle, qu'on représente partout avec une couronne de tours et de murs ou avec des fortifications au-
dessus de la tête. Pourquoi Rhéa ou Cybèle était-elle ainsi représentée? Ovide nous fournit à la fois la demande et la réponse. "C'était, dit-il, parce que la première, Cybèle entoura de murs les cités"44.

La première ville du monde après le déluge (à partir duquel on datait souvent le
commencement du monde lui-même) qui eut des tours et une enceinte de murailles ce fut
Babylone: et Ovide lui-même nous dit que Sémiramis, la première reine de cette cité, passe
pour avoir entouré Babylone d'une muraille de briques45. Sémiramis donc, la première reine
divinisée de cette cité et de cette tour dont le sommet devait atteindre le ciel, doit avoir été
le prototype de cette déesse qui la première transforma les tours en cités. Si nous
considérons la Diane d'Éphèse, nous trouvons une preuve qui tend au même but. Diane était
ordinairement représentée comme une vierge protectrice de la virginité: mais la Diane
d'Éphèse était entièrement différente. On la représentait avec tous les attributs de la Mère
des dieux (fig. 8) et comme telle, elle portait une couronne de tours, si bien qu'il est
impossible de la regarder sans se rappeler immédiatement la tour de Babel. Or, cette Diane
avec sa tour, un ancien scholiaste l'identifie expressément avec Sémiramis46. Quand donc
on se souvient que Rhéa, ou Cybèle, la déesse qui porte une tour, était en réalité une déesse
Babylonienne47, et que Sémiramis divinisée était adorée sous le nom de Rhéa, on n'aura plus
de doute, je pense, sur l'identité personnelle de la déesse des fortifications. Il n'y a aucune
raison de croire que Sémiramis seule (bien que quelques-uns l'aient pensé) ait jeté les
fondements de Babylone. D'après le témoignage formel d'un ancien historien, Megasthenes, conservé par Abydenus, ce fut Belus qui entoura Babylone de murailles48.

Bel, celui qui confond, ayant dû laisser inachevées la ville et la tour de Babel, qu'il avait commencées, ce fait
ne peut s'appliquer à lui. Cela ne peut s'appliquer qu'à son fils Ninus, qui hérita du titre de son père, et qui fut
le premier roi de l'empire de Babylone, par conséquent, à Nemrod. La véritable raison, si Sémiramis femme
de Ninus eut la gloire de terminer les fortifications de Babylone, c'est qu'elle parvint à occuper une position
prépondérante dans l'estime des anciens idolâtres, et parce qu'on lui attribua tous les différents caractères qui
avaient appartenu, ou qu'on suppose avoir appartenu à son mari. Ayant donc déterminé l'un des caractères
dans lesquels on adorait l'épouse divinisée, nous pouvons en conclure quel était le caractère correspondant
du mari divinisé. Layard dit qu'il est convaincu que Rhéa ou Cybèle, la déesse couronnée de tours, était
précisément la contrepartie femelle du dieu qui présidait aux remparts et aux forteresses49. Cette divinité était
Ninus ou Nemrod: nous en avons encore une autre preuve dans les détails épars que nous a laissés l'antiquité
sur le premier roi Babylonien divinisé avec un nom qui l'identifie au mari de Rhéa, la déesse portant des tours.Ce nom, c'est Kronos ou Saturne50.

On sait bien que Kronos ou Saturne était le mari de Rhéa, mais on ne sait pas aussi bien qui était Chronos lui-
même. Si on remonte à son origine on trouve que ce dieu était le premier roi de Babylone. Théophile
d'Antioche montre que Kronos était adoré en Orient sous les noms de Bel et Bal51; et Eusèbe nous apprend
que le 1er roi d'Assyrie nommé Belus était aussi appelé Kronos par les Assyriens52. Comme le texte
authentique d'Eusèbe n'admet pas qu'il y ait eu un roi d'Assyrie avant Ninus, roi des Babyloniens, cela montre
que Ninus, premier roi de Babylone était Kronos. Mais il y a plus, nous lisons que Kronos était roi des
Cyclopes qui étaient des frères, et qui tiraient leur nom de lui53, et que les Cyclopes étaient connus comme
étant les inventeurs de l'art de construire les tours54. Le roi des Cyclopes, inventeurs de cet art, occupait une
position tout à fait correspondante à celle de Rhéa, qui, la première, éleva les tours en cités. Si donc, Rhéa,
la femme de Kronos, était la déesse des fortifications, Kronos ou Saturne, le mari de Rhéa, c'est-à-dire
Nemrod ou Ninus, le premier roi de Babylone doit avoir été Ala Mahozim, le dieu des fortifications55. Le nom
lui-même de Kronos confirme fortement mes assertions. Kronos signifie celui qui a une corne56. Or, la corne étant, en Orient, le symbole bien connu de la force ou de la puissance, Kronos le cornu était, suivant ce
système mystique, le synonyme de l'épithète accordée par l'Écriture à Nemrod, savoir Gheber, le puissant,
(Genèse X, 8), "il commença à être puissant sur la terre". Le nom de Kronos, comme le sait fort bien le lecteur
au courant des classiques, est appliqué à Saturne en tant que père des dieux. Nous avons déjà parlé d'un autre
père des dieux, Cush, dans son caractère de Bel, celui qui confond, ou Hephaïstos, celui qui disperse au loin,
et il est facile de comprendre comment, lorsqu'on se mit à diviniser les mortels et en particulier le puissant
fils de Cush, le père, si l'on considère surtout la part qu'il semble avoir prise à la formation de tout ce système
idolâtre, a dû aussi être divinisé sous les traits de père du "Puissant", et de tous les immortels qui lui ont
succédé. Mais nous verrons en réalité, dans le cours de nos recherches, que Nemrod était le père des dieux,
parce que c'est le premier mortel qui ait été divinisé; et que, par conséquent, il s'accorde parfaitement avec
ce fait historique que Kronos, celui qui a une corne, ou le puissant, est connu sous ce titre dans le Panthéon
classique.

Le sens de ce nom de Kronos, celui qui a une corne, appliqué à Nemrod, explique
clairement l'origine de ce symbole extraordinaire, qu'on voit si souvent dans les
sculptures de Ninive, le gigantesque homme-taureau avec des cornes, représentant les
grandes divinités d'Assyrie. Le même mot qui signifiait un taureau, signifiait aussi un
gouverneur ou un prince57. Aussi le taureau porteur de cornes signifiait-il le prince
puissant, c'est-à-dire le premier des hommes puissants qui, sous le nom de Guèbres, Gabri
ou Cabiri, occupèrent dans l'antiquité une si grande place, et auxquels les anciens rois
divinisés d'Assyrie faisaient remonter leur puissance et leur noblesse. Ceci explique
pourquoi le Bacchus des Grecs était représenté avec des cornes et pourquoi on l'invoquait
souvent sous cette épithète, "aux cornes de taureau", pour désigner par là ses grands titres
de gloire58. Dans des temps relativement modernes, Togrul Begh, le chef des Turcs
Seldjoucides qui venaient des bords de l'Euphrate, était aussi représenté (fig. 9) avec trois cornes sortant de la tête comme emblème de sa souveraineté.
Ceci aussi explique admirablement l'origine des divinités adorées par les
Anglo-Saxons païens sous le nom de Zernebogus. Ce Zernebogus était
la divinité noire, funeste de mauvais augure59, en d'autres termes l'exacte
contrepartie de l'idée populaire du diable, qu'on croyait être noir, et qui,
disait-on, avait des cornes et des pieds fourchus. Analysez ce nom,
comparez-le avec la gravure ci-après (fig. 10) extraite de Layard60 et vous
verrez qu'elle jette une singulière lumière sur l'origine de la superstition
populaire à propos du grand adversaire.
Le nom de Zernebogus est presque du chaldéen tout pur, et semble se décomposer de lui-même pour nous
offrir le sens de "la semence du prophète Cush". Nous avons vu qu'il y a lieu de conclure que sous le nom de
Bel, différent de Baal, Cush était le grand devin ou faux prophète qu'on adorait, à Babylone. Mais des savants
indépendants ont été amenés à cette conclusion que Bel et Nebo étaient deux noms différents d'un même dieu et d'un dieu prophète. Voici comment Kitto s'exprime à propos du passage Ésaïe XLVI, 1: "Bel est tombé sur
ses genoux, Nebo a été renversé." Ce dernier nom, dit-il, semble venir de Nibba, rendre un oracle ou
prophétiser; il signifierait donc "oracle" et dès lors comme le fait remarquer Calmet (commentaire littéral)
ne serait autre chose que Bel lui-même ou une épithète caractéristique qui lui est appliquée; il n'est pas, en
effet, contraire à l'usage de répéter la même idée dans le même verset en termes équivalents61.
Zernebogus, le grand rejeton du prophète Cush, était donc évidemment Nemrod, car Cush était le père de
Nemrod. Consultez maintenant Layard et voyez combien l'Angleterre et l'Assyrie sont mises ainsi dans un
rapport étroit. Dans la gravure précédente, dont nous avons déjà parlé, nous voyons d'abord l'Hercule
Assyrien62, c'est-à-dire le grand Nemrod, ainsi qu'on le désigne dans la version des septante, sans massue ni
éperons, ni armes d'aucune espèce attaquant un taureau. Lorsqu'il l'a terrassé, il met sur sa tête les cornes de
l'animal, comme trophée de victoire et symbole de puissance; puis on nous le montre avec les cornes, les
sabots et les jambes du taureau. Ainsi équipé, il se retourne pour attaquer un lion. Cette gravure est destinée
vraisemblablement à rappeler quelques traits de la vie de celui qui le premier commença à être puissant dans
la chasse et dans la guerre, et qui, selon toutes les traditions anciennes, était aussi remarquable par sa force
corporelle, car ce fut le chef des Géants qui se révoltèrent contre le ciel. Or Nemrod fils de Cush était noir,
en d'autres termes c'était un nègre. Cette parole scripturaire: "L'Éthiopien peut-il changer sa peau?" (Jérémie
XIII, 23) est ainsi dans l'original: "Le Cushite peut-il changer sa peau?" Si on ne perd pas ceci de vue, on verra
que dans cette figure découverte à Ninive, nous avons à la fois le prototype de l'Anglo-Saxon Zernebogus,
la semence du prophète Cush et le véritable original du noir, ennemi de l'humanité, avec des cornes et des
pieds fourchus. C'est sous un tout autre aspect que Nemrod fut tout d'abord adoré, mais chez un peuple au
teint clair, comme chez les Anglo-Saxons, il était inévitable, s'il était adoré, que ce fût généralement comme
un objet de crainte, et c'est ainsi que Kronos le Cornu, qui portait des cornes comme un double emblème de
sa force physique et de son pouvoir souverain, est devenu, dans la superstition populaire, le représentant
autorisé du démon. Dans bien des contrées éloignées les cornes sont
devenues l'emblème du souverain pouvoir. La couronne qui entoure
encore le front des monarques européens semble venir de l'ancien
emblème de puissance adopté par Kronos ou Saturne qui, d'après
Phérécyde, fut le premier de tous qui ait porté une couronne63. La
première couronne royale paraît avoir été simplement une bande dans
laquelle on plaçait les cornes. Par suite de l'idée du pouvoir indiqué par
la corne, des chefs secondaires paraissent avoir porté un cercle orné d'une
simple corne, comme emblème de leur pouvoir emprunté. Bruce, le
voyageur Abyssinien, parle de chefs qui étaient ainsi décorés (fig. 11);
il dit à ce propos que la corne attira son attention, lorsqu'il aperçut que les
gouverneurs des provinces se distinguaient par cette coiffure. Quant aux
souverains, la bande de la tête royale était parfois ornée d'une corne double, quelquefois triple.
La corne avait été évidemment à l'origine le symbole du pouvoir et de la force chez les souverains: car sur les
monuments Égyptiens, les têtes des personnes royales divinisées n'ont en général pas plus de deux cornes pour
témoigner de leur pouvoir. Comme la souveraineté de Nemrod était fondée sur la force physique, les deux
cornes du taureau étaient le symbole de cette force corporelle – Et comme confirmation de ce fait, nous lisons Sanchoniathon qu'Astarté se mit sur la tête une tête taureau, comme emblème de la royauté64.
Bientôt cependant apparut une idée nouvelle et plus haute, dont l'expression se montra
dans le symbole des trois cornes. Avec le temps, il semble qu'une coiffure ait été
associée aux cornes royales. Dans l'Assyrie la coiffure à trois cornes était l'un des
emblèmes sacrés65, comme gage de l'origine divine du pouvoir qu'elles représentaient:
les trois cornes désignaient évidemment le pouvoir de la Trinité. Nous avons de plus des
preuves que le bandeau à cornes sans aucune coiffure était autrefois la corona ou
couronne royale. La couronne que portait le dieu Hindou Vichnou dans son avatar du
poisson est précisément un cercle ouvert ou bandeau surmonté de trois cornes droites terminées par une boule (fig. 12).

Tous les avatars sont représentés comme ornés d'une couronne qui paraît avoir été
modelée là-dessus: elle consiste en une petite couronne à trois pointes dressées en l'air
dans laquelle Sir William Jones reconnaît la couronne des Éthiopiens ou des Parthes66.
La tiare ouverte d'Agni, dieu du feu chez les Hindous, porte à son bandeau inférieur la double corne67 faite
de la même manière qu'en Assyrie68 et qui prouve tout de suite l'ancienne coutume et son origine. Au lieu des
trois cornes, on porta trois feuilles en forme de corne69 et ainsi la bande à cornes devint peu à peu la petite
couronne moderne ou la couronne aux trois feuilles de fleur de lis, ou autres ornements à trois feuilles.
Chez les Peaux-Rouges d'Amérique, on trouve un usage analogue à celui des Babyloniens. Dans la "danse
des buffles", en effet, chaque danseur avait sur la tête des cornes de buffle70; et ce qui mérite d'être remarqué,
c'est que la danse des Satyres en Grèce, semblait avoir été la contrepartie de cette solennité chez les Indiens,
car les Satyres étaient des divinités à cornes, et ceux qui imitaient leur danse devaient avoir la tête ornée comme la leur (fig. 13).
Si donc une coutume fondée sur une parole qui caractérisait le pays où dominait
Nemrod se retrouve dans tant de contrées différentes éloignées l'une de l'autre,
où cette parole n'était jamais employée dans la vie ordinaire, nous pouvons être
sûrs que cette coutume n'était pas le fait du hasard, mais qu'elle s'était répandue
de Babylone dans toutes les directions, à l'époque où Nemrod le premier
commença à être puissant sur la terre. Le pouvoir de Nemrod était représenté par
un autre symbole. Il y a un synonyme de Gheber le puissant; c'est Abir. Aber,
aussi, signifie une aile. Nemrod, chef et capitaine des soldats qui l'entouraient,
et qui l'aidaient à établir son pouvoir, était appelé Baal-aberin, le seigneur des
puissants. Mais Baal-abirin (qui lui est à peu près semblable) signifie celui qui
est ailé71. Aussi était-il représenté comme un taureau portant à la fois des cornes
et des ailes; il montrait par là non seulement qu'il était lui-même puissant, mais
qu'il commandait à des puissants toujours prêts à exécuter ses ordres et à vaincre tous ses adversaires.
Et ces ailes largement ouvertes symbolisaient l'étendue de sa puissance.
Ésaïe fait clairement allusion à cette manière de représenter les rois de
Babylone et d'Assyrie qui imitaient Nemrod et ses successeurs (Ésaïe VIII,
6-8): "Parce que ce peuple a méprisé les eaux de Shiloah qui coulent
doucement, et qu'il s'est réjoui au sujet de Retsin et du fils de Remalia,
voici, le Seigneur va faire monter contre eux les puissantes et grandes
eaux du fleuve (le roi d'Assyrie et toute sa gloire) il s'élèvera partout au-
dessus de son lit et il se répandra sur toutes ses rives; il pénétrera dans
Juda, il débordera et inondera, il atteindra jusqu'au cou. Le déploiement
de ses ailes remplira l'étendue de ton pays, Ô Emmanuel." – Si nous
remarquons les figures présentées ici au lecteur (fig. 14 et 15) avec leurs
grandes ailes étendues, comme symboles du roi Assyrien, quelle force,
quelle énergie présente le langage inspiré du prophète.
Et comme il est évident que le déploiement des ailes du monarque
Assyrien "qui devait remplir l'étendue du pays" offre précisément ce sens
symbolique dont j'ai parlé, c'est-à-dire la diffusion de ses braves dans le
pays, ou de ces troupes armées, que le roi de Babylone devait amener avec
lui dans son invasion! La manière dont les rois d'Assyrie étaient
représentés et le sens de cette figure donnent encore plus de force à
l'histoire du songe de Cyrus le Grand. Cyrus le Grand, nous dit Hérodote,
vit en songe le fils d'un de ses princes, en ce moment même dans une
province éloignée, portant deux grandes ailes aux épaules; l'une couvrait
l'Asie, et l'autre l'Europe72. Il en conclut aussitôt qu'il fomentait une révolte
contre lui. Les symboles des Babyloniens dont Cyrus avait pris la capitale
et sur lesquels il régnait, lui étaient entièrement familiers; et si les ailes
étaient le symbole de la souveraineté, si leur possession impliquait la
souveraineté sur la puissance, ou sur les armées de l'empire, il est aisé de
voir qu'il était tout naturel que le roi conçût au sujet de ce prince des
soupçons de déloyauté, dans les circonstances que nous avons indiquées!
Le vrai sens de ce mot équivoque, Baal-aberin, pourra seul expliquer le passage d'Aristophane où il est dit:
"Au commencement du monde, les oiseaux furent créés les premiers, et après eux vint la race bénie des
immortels73." – On a vu là une parole athée ou sans signification, mais si l'on a la clef de ce langage, on verra
qu'il contient un fait historique important. Les oiseaux, il ne faut pas l'oublier, c'est-à-dire les ailés,
symbolisaient les seigneurs des puissants, le sens est donc clair; le voici: les hommes commencèrent à être
puissants sur la terre, et les seigneurs, ou les chefs de ces hommes puissants, furent divinisés. Le sens
mystique de ce symbole aide à expliquer l'origine de l'histoire de Persée, fils de Jupiter, né miraculeusement
de Danaé, qui accomplit des faits merveilleux et allait de lieu en lieu au moyen d'ailes qu'un dieu lui avait
accordées. Ainsi s'explique aussi le mythe de Bellérophon, ses exploits sur le coursier ailé, sa fin déplorable,
son élévation dans les airs, et sa chute terrible; celui d'Icare, enfin, fils de Dédale, qui s'envolant au dessus
de la mer Icarienne au moyen des ailes qu'il avait attachées à son corps avec de la cire, s'approcha trop du
soleil, vit fondre la cire, et tomba, dit-on, dans la mer à laquelle il donna son nom. Toutes ces fables se
rapportent à ceux qui ont marché, ou sont censés avoir marché sur les traces de Nemrod, le seigneur des
puissants, et qui sous ce caractère étaient représentés avec des ailes.
Il est frappant de voir que dans ce passage d'Aristophane déjà indiqué, où il est parlé d'oiseaux ou d'êtres ailés
qui sont créés avant les dieux, on nous apprend que celui dont les dieux et les puissants tiraient leur origine
n'était autre que l'enfant ailé Cupidon74. Cupidon, fils de Vénus, occupait, comme on le verra plus loin dans
la mythologie mystique, la même place que Ninus ou Nin le fils, par rapport à Rhéa, la mère des dieux.
Comme Nemrod était incontestablement le premier des puissants après le déluge, ce passage d'Aristophane
d'après lequel l'enfant-dieu Cupidon qui lui-même était ailé, créait tous les oiseaux ou les ailés, tout en ayant
la même place que Nin ou Ninus, le fils, ce passage montre qu'à cet égard aussi Nemrod et Ninus sont
identiques. C'est là, évidemment, la pensée du poète; c'est aussi à un point de vue historique, la conclusion
de l'historien Apollodore; il déclare en effet que Ninus, c'est Nemrod75. De plus, pour confirmer cette identité,
nous voyons dans l'une des plus célèbres sculptures de l'ancienne Babylone, Ninus et sa femme Sémiramis
dans toute l'ardeur de la chasse76; Sémiramis porte un carquois, c'est la digne compagne du "puissant chasseur devant l'Éternel".

Section 2 - L'Enfant en Égypte:

Si nous passons en Égypte, nous y trouvons aussi des preuves du même fait. Justin, nous l'avons déjà vu,
dit que Ninus soumit toutes les nations jusqu'à la Lybie, et par conséquent l'Égypte. Une déclaration de
Diodore de Sicile tend à la même conclusion: l'Égypte est, d'après lui, l'une des contrées que Nemrod
subjugua1. Ces affirmations se trouvent encore confirmées par ce fait que le nom de la troisième personne de
la triade primitive des Égyptiens était Khons. Mais Khons en Égyptien, vient d'un mot qui veut dire chasser2.
Le nom de Khons, fils de Maut, la déesse mère de Chaldée3, signifie proprement le chasseur, ou le dieu de
la chasse. Comme Khons est dans le même rapport avec l'Égyptienne Maut que Ninus l'est avec Rhéa, on voit
combien ce titre de chasseur identifie le dieu Égyptien avec Nemrod! Or ce même nom de Khons, si on le
rapproche de la mythologie païenne, non seulement explique le sens d'un nom du Panthéon romain, qui
jusqu'ici a eu grandement besoin d'une explication, mais jette une grande lumière sur cette divinité païenne,
et confirme la conclusion à laquelle je suis déjà arrivé. Le nom dont je veux parler est celui du dieu latin
Consus, qui à certains égards, était identifié à Neptune4, mais qui était aussi regardé comme le dieu des
conseils cachés, ou le receleur des secrets, qu'on considérait comme le patron de l'équitation, et qui, dit-on,
était le père du cheval5.
Qui pourrait être ce dieu des conseils cachés, ou le receleur des secrets, sinon Saturne, le dieu des mystères
dont le nom tel qu'on l'employait à Rome signifiait le dieu caché6?
Le père de Khons, ou Konso, comme on l'appelait aussi, c'est-à-dire Amoun était, dit Plutarque, connu comme
Dieu caché7, et comme le père et le fils ont ordinairement dans la même triade un caractère correspondant,
cela montre que Khons aussi doit avoir été connu sous le même caractère que Saturne, le dieu caché. Si le
latin Consus s'accorde avec l'Égyptien Khons, comme étant le dieu des mystères ou des conseils secrets, peut-
on douter que Khons le chasseur, ne s'accordât aussi avec la même divinité Romaine, le père supposé du
cheval? À qui aurait-on pu attribuer la paternité du cheval, sinon au grand chasseur de Babel qui le lança dans
les fatigues de la chasse, et doit ainsi avoir été puissamment aidé dans ses luttes avec les bêtes sauvages de
la forêt? Que le lecteur se rappelle aussi dans le même ordre d'idées cette créature, le Centaure, moitié
homme, moitié cheval, qui occupe une si grande place dans la mythologie grecque. Cette création imaginaire
avait pour but, comme on l'admet généralement, de rappeler le souvenir de l'homme qui le premier enseigna
l'art de monter à cheval8.

Mais cette création ne fut pas le fruit de l'imagination Grecque. Ici, comme en beaucoup d'autres choses, les
Grecs n'ont fait que puiser à une source plus ancienne. On trouve le Centaure sur des pièces de monnaie frappées à Babylone (fig. 16), ce qui montre que cette idée doit venir de là. Le Centaure
se trouve dans le Zodiaque (fig. 17) qui remonte à une période fort reculée, et qui a son
origine à Babylone. On le représentait, nous dit Berosus, l'historien Babylonien, dans le
temple de Babylone9, et son langage semblerait montrer qu'il en avait été ainsi dans les
temps primitifs. Les Grecs eux-mêmes admettaient cette antiquité et cette origine du
Centaure; en effet, tout en représentant Ixion comme le père des Centaures, ils
reconnaissaient aussi que le Centaure primitif était le même que Kronos ou Saturne, le père des dieux10.
Mais nous avons vu que Kronos était le premier roi de
Babylone ou Nemrod; par conséquent le Centaure avait le
même titre. Or, la manière dont on représentait le Centaure
sur les pièces Babyloniennes, et dans le Zodiaque, est très
caractéristique si on la considère à cette lumière. Le Centaure était le même que
le signe du Sagittaire ou l'Archer11. Si le fondateur de la gloire de Babylone était
le puissant chasseur dont le nom, même à l'époque de Moïse, était passé en
proverbe (Genèse X, 9; c'est pour cela qu'on dit comme Nemrod, le puissant
chasseur devant l'Éternel), – quand nous voyons l'Archer avec ses flèches et son
arc, dans le symbole de la divinité suprême des Babyloniens12, quand cet Archer
nous apparaît parmi les signes du Zodiaque qui prirent naissance à Babylone, je
crois que nous pourrons conclure avec assurance que cet Archer, homme-cheval
ou cheval-homme, se rapportait primitivement à Nemrod, et était destiné à
perpétuer à la fois le souvenir de sa renommée comme chasseur et de son adresse
comme cavalier.
Or, si nous comparons ainsi l'Égyptien Khons, le chasseur, avec le latin Consus, le dieu des courses de
chevaux, qui donna le jour au cheval, et le Centaure de Babylone, auquel on attribuait l'honneur d'être
l'inventeur de l'équitation, nous verrons comment toutes ces lignes convergent sur Babylone, et nous verrons clairement aussi, il me semble, d'où venait Khons, le dieu primitif des Égyptiens.
Khons fils de la grande déesse Mère, parait avoir été généralement représenté comme un dieu dans toute sa
croissance13. La divinité Babylonienne était aussi très souvent représentée en Égypte de la même manière que
dans le pays où elle prit naissance, c'est-à-dire comme un enfant dans les bras de sa mère14. C'est ainsi
qu'Osiris, le fils, le mari de sa mère, était souvent représenté, et ce que nous savons de ce dieu, toujours dans
le cas de Khonso, montre que dans l'origine il n'était autre que Nemrod. Il est reconnu que le système secret
de la Franc-Maçonnerie reposait à l'origine sur les Mystères de la déesse Égyptienne Isis, ou la femme
d'Osiris. Mais qui aurait pu provoquer le lien de la Franc-Maçonnerie avec ces Mystères, s'ils n'avaient pas
eu un rapport spécial à l'architecture, et si le dieu qu'on adorait en eux n'avait pas été célèbre pour ses succès
dans l'art de la fortification et de la construction? Or s'il en était ainsi, et si nous considérons les rapports de l'Égypte et de Babylone, tels que nous les avons établis, qui pourrait-on considérer dans
ce pays comme étant naturellement le grand patron de l'art maçonnique? Il y a de fortes
présomptions de croire que c'était Nemrod. C'est le premier qui se soit rendu célèbre à cet
égard. Comme enfant de la déesse Mère, on l'adorait, nous l'avons vu, sous le caractère
de Ala Mahozim, le dieu des fortifications. Osiris, l'enfant de la madone Égyptienne, était
également célébré de la même manière, comme le chef puissant des constructions15. Ce
chef puissant des constructions était à l'origine adoré en Égypte sous le même caractère
physique que Nemrod. J'ai déjà relevé ce fait que Nemrod, fils de Cush, était un nègre. Or,
il y avait en Égypte une tradition, rapportée par Plutarque et d'après laquelle Osiris était
noir16, ce qui dans un pays où le teint général était brun, devait signifier quelque chose
d'extraordinaire. Plutarque nous dit aussi que Horus, le fils d'Osiris, avait un teint clair17,
et c'est de cette manière qu'on représentait ordinairement Osiris. Mais nous avons des
preuves incontestables qui établissent qu'Osiris, le fils et le mari de la grande déesse reine
d'Égypte, était aussi représenté comme un véritable nègre. Wilkinson18 nous en donne un
portrait (fig. 18) qui révèle en lui un véritable Cushite ou nègre.
Bunsen prétend que c'est simplement une importation faite par hasard de quelque tribu barbare, mais le
vêtement que porte le dieu nègre trahit une origine différente. Ce vêtement le rapproche directement de
Nemrod. Cet Osiris aux traits de nègre est enveloppé des pieds à la tête d'un vêtement tacheté, dont la partie
supérieure est une peau de léopard, et la partie inférieure tachetée aussi pour faire le pendant de l'autre. Or
le nom de Nemrod signifie: celui qui a vaincu le léopard19. Ce nom semble indiquer que comme Nemrod
devint célèbre en domptant le cheval et en l'employant pour la chasse, sa renommée de chasseur reposait
surtout sur ce fait qu'il trouva moyen de se servir du léopard pour chasser les autres bêtes sauvages. On
emploie dans l'Inde aujourd'hui pour la chasse une espèce particulière de léopard apprivoisé; et on raconte
de Bagajet Ier, l'empereur Mogol de l'Inde, que dans ses domaines de chasse, il avait non seulement des chiens
de différentes races, mais aussi des léopards, dont le cou était orné de bijoux20. À propos des paroles du
prophète Habacuc: "plus rapides que les léopards" (Habacuc I, 8), Kitto fait la remarque suivante: la rapidité
du léopard est proverbiale dans tous les pays où cet animal existe. Cette qualité jointe à d'autres, a donné l'idée
aux peuples de l'Orient de le dompter suffisamment afin de l'employer pour la chasse. Aujourd'hui il est rare
qu'on garde les léopards pour chasser dans l'Asie occidentale, excepté chez les rois et les gouverneurs; mais
ils sont plus communs dans les parties Orientales de l'Asie. Orosius raconte qu'un léopard fut envoyé au pape
par le roi de Portugal. Le pape fut très étonné de la manière dont cet animal saisissait les daims et les
sangliers, et de la facilité avec laquelle il les tuait. Le Bruyn parle d'un léopard gardé par le pacha qui gouvernait Gaza, et les autres territoires des anciens Philistins, et dont on se servait pour
chasser le chacal. Mais c'est dans l'Inde que le cheetah ou le léopard chasseur est le plus
souvent employé, et c'est là qu'on le trouve dans toute sa puissance21. Cette coutume de
dompter le léopard et de le mettre ainsi au service de l'homme remonte aux temps les
plus reculés de l'humanité. Dans les ouvrages de Sir William Jones, nous lisons cette
citation extraite des légendes persanes, "que Hoshang père des Tahmurs, qui bâtit
Babylone, fut le premier qui éleva pour la chasse des chiens et des léopards22". –
Comme Tahmurs qui bâtit Babylone ne peut être autre que Nemrod, cette légende
attribue à son père ce que lui-même eut la gloire de faire, ainsi que son nom l'indique.
Or comme la peau du lion nous fait reconnaître le dieu classique Hercule qui tua le lion
de Némée, de même la peau du léopard nous aide à conclure que ce dieu était Nemrod
le dieu "qui dompte le léopard". Nous avons les faits les plus certains pour établir que
cette peau de léopard appartenant au dieu Égyptien, n'était pas un vêtement accidentel.
Wilkinson nous dit que dans toutes les grandes occasions où le grand-prêtre égyptien devait officier, il était
indispensable qu'il se revêtit d'une peau de léopard23 (fig. 19), c'était la robe de cérémonie.
Comme c'est un principe dans toutes les idolâtries que le grand-prêtre porte les insignes du dieu qu'il sert, ceci
montre l'importance que la peau tachetée devait avoir: c'était un symbole du dieu lui-même. Osiris, le dieu
favori des Égyptiens, était mystiquement représenté d'ordinaire sous la forme d'un jeune taureau ou d'un veau,
le veau Apis. C'est à lui que les Israélites avaient emprunté leur veau d'or. Ce n'était pas sans raison que le
veau ne paraissait pas d'ordinaire dans les symboles du dieu qu'il représentait; il représentait en effet la
divinité sous le caractère de Saturne, le Caché, Apis étant tout simplement un autre nom de Saturne24. La
vache d'Athor, cependant, la divinité femelle, correspondant à Apis, est bien connue comme étant une vache
tachetée25 et il est curieux que les Druides de la Grande-Bretagne aient aussi adoré une vache tachetée26.
Bien qu'il soit rare, cependant, de trouver un exemple de déification d'un
veau ou d'un jeune taureau représenté avec des taches, nous avons
néanmoins la preuve qu'il en était quelquefois ainsi. La figure ci-dessous
(fig. 20) représente cette divinité, copiée par le célèbre Hamilton Smith
dans la collection originale faite par des artistes de l'Institut français du
Caire27. Quand nous voyons qu'Osiris, le grand dieu de l'Égypte sous
différentes formes, était ainsi vêtu de la peau d'un léopard ou d'un
vêtement tacheté, et que ce vêtement en peau de léopard était une partie
indispensable des robes sacrées du grand-prêtre, nous pouvons être
certains qu'un pareil costume avait une profonde signification. Que
pouvait-il vouloir dire, sinon qu'il identifiait Osiris avec le dieu
Babylonien célébré comme le dompteur des léopards et qui était adoré
sous ce caractère, sous le nom de Ninus, l'enfant dans les bras de sa
mère?

Section 3 - L'Enfant en Grèce:

D'Égypte passons en Grèce. Là non seulement nous avons des preuves qui
tendent au même but, mais nous avons un accroissement d'évidence. Le dieu adoré
comme un enfant dans les bras de la Grande Mère de la Grèce sous les noms de
Dionysius, ou Bacchus ou lacchus, est, d'après les anciens historiens, entièrement
identique à l'Osiris Égyptien. C'est l'opinion d'Hérodote, qui avait poursuivi ses
recherches jusque dans l'Égypte, et qui parle toujours d'Osiris comme étant le
même que Bacchus1. Le témoignage de Diodore de Sicile nous amène à la même
conclusion. Orphée, dit-il, emprunta à l'Égypte la plus grande partie des
cérémonies mystiques, les orgies que célèbrent les recherches de Gérés, et toute
la fable des ombres infernales. Les rites d'Osiris et de Bacchus sont les mêmes;
ceux de Gérés (Dh:0JD") et d'Isis se ressemblent exactement sauf pour le nom2.
Or, comme si on avait voulu identifier Bacchus avec Nemrod le dompteur de
léopards, on prenait des léopards pour tramer son chariot; il était lui-même
représenté comme vêtu d'une peau de léopard; ses prêtres étaient vêtus de la même
manière, ou bien quand on n'avait pas de peau de léopard, on prenait la peau tachetée d'un faon pour vêtement
sacerdotal. Cette coutume de porter la peau tachetée d'un faon paraît avoir été empruntée d'abord à l'Assyrie
et importée en Grèce; le faon tacheté était pour les Assyriens un emblème sacré, ainsi que nous l'apprennent
les sculptures de Ninive; nous trouvons en effet dans cette ville une divinité portant dans ses bras un faon ou
un daim fauve tacheté (fig. 21) comme symbole de quelque chose de mystérieux3.

L'origine de cette importance attribuée au faon tacheté et à sa peau était évidemment celle-ci: lorsque Nemrod
dompteur de léopards commença à se vêtir de la peau du léopard comme trophée de son adresse, son air, son
vêtement tacheté doivent certainement avoir frappé l'imagination de ceux qui le virent; et il en vint à être
appelé non seulement le dompteur de celui qui est tacheté (c'est précisément là le sens de Nimr, nom du
léopard), mais à être appelé lui-même le tacheté.

Damascius nous fournit des preuves certaines de ce fait, il nous dit que les Babyloniens appelaient le fils
unique de la grande déesse mère Mômis, ou Moumis4. – Or en Chaldéen, Mômis comme Nimr, veut dire celui
qui est tacheté. Ainsi donc il fut aisé de se représenter Nemrod sous le symbole du faon tacheté, surtout en
Grèce et partout où l'on prononçait à peu près comme en Grèce. Le nom de Nemrod tel que le connaissaient
les Grecs était Nebrod5. Le nom du faon, c'est-à-dire le tacheté, était en Grèce Nebros6. Ainsi rien de plus
naturel que ce Nebros, le faon tacheté, soit devenu le synonyme de Nebrod lui-même. Quand donc le Bacchus
de la Grèce fut symbolisé par Nebros, le faon tacheté, comme nous le verrons, quel pouvait être ce dessein,
sinon de l'identifier secrètement avec Nemrod?

Nous avons la preuve que ce dieu dont l'emblème était le Nebros était connu comme étant de la race de
Nemrod. Nous lisons dans Anacréon que l'un des titres de Bacchus était Aithiopais7. C'est-à-dire le fils de Aethiops. Mais qui était Aethiops? De même que les Éthiopiens étaient Cushites, ainsi
Ethiops était Cush: Chus, dit Eusèbe, était le père des Éthiopiens8. – Le témoignage
de Josèphe tend au même but. Comme père des Éthiopiens, Cush était Éthiopien, par
manière de supériorité. Aussi Épiphane parlant de l'origine de Nemrod dit ceci:
Nemrod fils de Cush, l'Éthiopien9. Or, comme Bacchus était le fils d'Éthiope ou Cush,
ainsi il était dépeint comme un jeune homme ou comme un enfant, et ce jeune homme
ou enfant était représenté d'ordinaire avec une coupe à la main. Cette coupe faisait de
lui pour la foule le dieu de l'ivrognerie et des festins, et il est hors de doute que ces
orgies, ces festins se pratiquaient sur une large échelle; mais après tout cette coupe
n'était qu'un hiéroglyphe, celui du nom de ce dieu. Le nom de la coupe, dans le
langage sacré, était khûs, et ainsi la coupe dans la main du jeune Bacchus fils
d'Ethiops, montrait qu'il était le jeune Chus, ou le fils de Chus. Dans la figure ci-
dessous (fig. 22), la coupe dans la main droite de Bacchus est élevée d'une manière
si significative, qu'elle fait naturellement penser que c'était un symbole, et quant au rameau que tient l'autre main, nous avons la preuve expresse que c'était aussi un symbole.

Mais il est à remarquer que cette branche n'a point de famille qui en détermine la nature. Il faut donc que ce
soit un emblème générique d'une branche ou le symbole d'une branche en général; et par conséquent elle a
besoin de la coupe comme d'un complément pour déterminer spécifiquement l'espèce de cette branche.
Il faut donc considérer ces deux symboles ensemble, et si on les considère ainsi ils sont exactement
équivalents à la branche de Chus c'est-à-dire au rejeton ou fils de Cush10.
Il y a un autre hiéroglyphe qui se rattache à Bacchus et qui confirme fortement ce que nous venons de dire;
c'est la branche de lierre. Aucun emblème ne caractérisait si nettement ce culte. Partout où l'on pratiquait les
cérémonies de Bacchus, partout où l'on célébrait ses orgies, la branche de lierre apparaissait infailliblement.
Le lierre sous une forme ou une autre, était essentiel à ces cérémonies. Les sectateurs le portaient dans leurs
mains, s'en entouraient la tête11, ou avaient la feuille de lierre12 gravée sur leur corps d'une manière
indélébile13. Quel pouvait en être l'usage? Quelle en était la signification? Quelques mots suffiront à le
montrer. Tout d'abord, nous avons la preuve que Kissos le nom grec du lierre, était l'un des noms de
Bacchus14. Nous savons aussi que les Grecs appelaient d'ordinaire les descendants de Cush (nom bien connu
cependant des prêtres dans les mystères) non pas d'après la coutume orientale, mais Kissaioi, ou Kissioi. Ainsi
Strabon, parlant des habitants de Susa, qui étaient du Chusistan, ou de l'ancien pays de Cush, dit ceci: les Sussiens sont appelés Kissioi15 c'est-à-dire évidemment Cushites. Or si les Kissioi sont Cushites, Kissos est
le même que Cush. Et de plus la branche de lierre qui occupait une place si importante dans les fêtes des
Bacchanales était un symbole formel de Bacchus lui-même; ainsi Hésychius nous assure que Bacchus tel qu'il
est représenté par son prêtre était connu dans les mystères comme étant la Branche16. On voit donc par là
comment Kissos, le nom grec de lierre, devint le nom de Bacchus. Comme fils de Cush, et lui étant identifié,
il était quelquefois désigné par le nom de son père17. Et cependant ses rapports avec son père étaient
essentiellement indiqués par la branche de lierre; car la branche de Kissos, qui pour le profane vulgaire n'était
autre chose qu'une branche de lierre, était pour les initiés la branche de Cush18. Or, ce dieu, reconnu comme
le rejeton de Cush, était adoré sous un nom, qui tout en lui étant approprié sous le caractère vulgaire de dieu
de la vigne, le représentait aussi comme le grand fortificateur. Ce nom était Bassareus, qui, dans son double
sens, voulait dire à la fois le ramasseur de raisin ou celui qui récolte la vendange, et aussi celui qui entoure
d'un mur19. Ce dernier 79 sens identifie le dieu grec au dieu égyptien Osiris, le chef puissant des constructions
et au dieu Assyrien Belus, qui entoura Babylone d'une muraille.

Ainsi l'Assyrie, l'Égypte, la Grèce, nous fournissent des preuves accumulées et éclatantes qui toutes
contribuent à démontrer que l'enfant adoré dans les bras de sa mère dans tous ces pays, sous le divin caractère
de Ninus, ou Nin, le Fils, était Nemrod, fils de Cush. On a pu emprunter ici un trait, là un autre à quelque
héros qui lui a succédé, mais il nous paraît hors de doute que Nemrod fut le prototype, l'original de cet enfant.
Le développement vraiment inouï du culte de cet homme montre que son caractère avait quelque chose
d'extraordinaire et il y a là bien des raisons de croire qu'à son époque il était l'objet d'une grande popularité.
Bien qu'en s'établissant comme roi, Nemrod ait détruit le système patriarcal et diminué les libertés de
l'humanité, le grand nombre vit cependant en lui le bienfaiteur des hommes. Ces bienfaits les dédommageaient
largement de la perte de leurs libertés, et le couvraient de gloire et de renommée.
Lorsqu'il apparut, les bêtes sauvages des forêts, se multipliant plus rapidement que la race humaine, devaient
commettre de grands ravages parmi les populations dispersées et errantes, et leur inspiraient sans aucun doute
une grande terreur. Le danger qu'il y avait là pour les existences humaines quand la population est restreinte,
se trouve indiqué par la raison que Dieu donne pour ne pas faire sortir devant Israël en une seule fois tous les
Cananéens, bien qu'ils eussent comblé la mesure de leurs iniquités. (Exode XXIII, 29-30). "Je ne les chasserai
pas devant toi en une seule année de peur que le pays ne devienne désert, et que les bêtes des champs ne se
multiplient devant toi. Mais peu à peu je les chasserai devant toi à mesure que tu t'augmenteras." Les exploits
de Nemrod, en détruisant les bêtes sauvages des champs, et en débarrassant la terre de ses monstres doivent
lui avoir valu le caractère d'un bienfaiteur éminent. C'est de cette manière, non moins que par les troupes qu'il
dirigeait, qu'il arriva au pouvoir "lorsqu'il commença à être puissant sur la terre" (I Chroniques I, 10); et c'est
de cette manière aussi sans doute que son pouvoir s'affermit. Mais il fit plus encore: étant le premier grand
constructeur de villes après le déluge, il rassembla les hommes en tribus et les entoura de murailles, il leur
permit ainsi de vivre en sécurité et les délivra de ces alarmes auxquelles ils étaient exposés dans leur état de dispersion, alors que nul ne pouvait dire à quel moment il aurait à livrer un combat mortel à des bêtes
sauvages qui rôdaient ça et là, et à défendre sa propre vie et celle des êtres qui lui étaient chers.

Dans l'enceinte d'une ville fortifiée, de pareils dangers n'étaient plus à craindre, et la sécurité que les hommes
trouvaient dans ces murs, devait leur inspirer une profonde reconnaissance. Il ne faut donc pas s'étonner que
le nom du puissant chasseur, qui en même temps était le prototype du dieu des fortifications, soit devenu un
nom célèbre.
Nemrod l'aurait bien mérité, ne fut-ce qu'à cause de ce seul bienfait. Mais non content de délivrer les hommes
de la crainte des bêtes sauvages il s'efforça aussi de les délivrer de cette "crainte du Seigneur qui est le
commencement de la sagesse" (Proverbes IX, 10; Psaumes CXI, 10) et qui seule donne le vrai bonheur. Aussi
semble-t-il avoir obtenu, comme l'un des titres par lesquels les hommes se sont plu à l'honorer, le surnom
d'émancipateur ou de libérateur. Le lecteur peut se rappeler un nom dont nous avons déjà parlé. Ce nom c'est
celui de Phoronée. L'époque de Phoronée est exactement celle de Nemrod. Il vivait à l'époque où les hommes
n'avaient qu'un langage, alors que commença la confusion des langues et que l'humanité fut dispersée au
loin20. C'est lui, dit-on, qui le premier réunit les hommes en communautés21, c'est le premier des mortels qui
ait régné22 et le premier qui ait offert des sacrifices idolâtres23. Ce caractère ne peut s'accorder qu'avec celui
de Nemrod. Or, le nom qu'on lui donne, pour désigner ce rassemblement des hommes et l'offrande de ces
sacrifices idolâtres, est très significatif.
Phoronée, dans l'une de ses significations et l'une des plus naturelles, veut dire l'Apostat24. Ce nom lui avait
été donné sans doute par la partie demeurée fidèle des enfants de Noé. Mais ce nom signifiait encore, "mettre
en liberté", aussi ses sectateurs l'ont adopté et ont glorifié le grand Apostat de la foi primitive, bien qu'il eût
restreint les libertés humaines sous le caractère de grand Émancipateur25. C'est de là que sous une forme ou
sous une autre, ce titre fut transmis à ses successeurs divinisés comme un titre honorifique26. Toute la tradition
depuis les temps les plus reculés témoigne de l'apostasie de Nemrod, de son succès à détourner les hommes de la foi patriarcale et à délivrer de la crainte de Dieu et des jugements célestes qu'ils éprouvèrent sans doute
tant que dura le souvenir du déluge. Et suivant les principes de la corruption humaine ce fut sans doute là un
des grands éléments de sa réputation: car les hommes se rallient vite autour de celui qui peut donner la
moindre apparence de raison à une doctrine qui leur dit: vous pouvez être assuré du ciel et de votre bonheur
sans changer de coeur et de nature, et en vivant sans Dieu dans le monde.
Une tradition Polynésienne nous décrit la grandeur de ce don fait aux hommes par Nemrod, de l'avis des
impies, lorsqu'il les arrache aux impressions de la vraie religion et à l'autorité du ciel. John Williams, le
missionnaire bien connu, nous dit que, d'après une ancienne tradition des mers du Sud, "les cieux étaient à
l'origine si près de la terre, que les hommes ne pouvaient pas marcher, mais ils étaient obligés de ramper.
C'était là un grand mal; mais à la fin quelqu'un conçut l'idée d'élever les cieux à une hauteur plus convenable:
pour cela, il déploya toute son énergie, et d'un premier effort les souleva à la hauteur d'une plante délicate
appelée teve, haute d'environ quatre pieds. Là il les laissa un instant jusqu'à ce qu'il se fût reposé, puis par un
second effort, il les souleva jusqu'à la hauteur d'un arbre appelé Kanakiri, qui est aussi grand que le Sycomore.
Au troisième effort, il les éleva jusqu'à la hauteur des montagnes. Enfin, après un long repos, il les éleva à leur
hauteur actuelle. C'est pour cela qu'il fut divinisé comme un puissant bienfaiteur de l'humanité, et, jusqu'au
jour où ils embrassèrent le christianisme, les mortels trompés l'adorèrent comme l'Élévateur des cieux27." Or,
comment mieux décrire que par cette fable polynésienne la situation de l'humanité après le déluge, et la
conduite de Nemrod ou Phoronée l'Émancipateur28?
Tandis que cette effrayante catastrophe par laquelle Dieu manifesta sa justice vengeresse sur les pécheurs de
l'ancien monde était encore dans toutes les mémoires, tant que Noé et ses descendants fidèles cherchaient avec
zèle à graver dans l'âme de leurs disciples les leçons que cet événement solennel était si propre à leur
enseigner, le ciel, c'est-à-dire Dieu, devait paraître tout rapproché de la terre.
Maintenir l'union entre le ciel et la terre, et la maintenir aussi étroite que possible, tel doit avoir été le grand
but de tous ceux qui aimaient Dieu et les intérêts de l'humanité. Mais cela impliquait qu'il fallait s'abstenir
et se débarrasser de toute espèce de vice, et de tous ces plaisirs de péché après lesquels l'esprit naturel non
renouvelé, non sanctifié soupire continuellement. C'est là ce que tout esprit impur doit avoir senti comme un
état d'insupportable esclavage. "L'affection de la chair est ennemie de Dieu, elle n'est pas soumise à la loi de
Dieu, et aussi elle ne le peut." Elle dit au Tout-Puissant: "Retire-toi de nous, car nous ne désirons pas
connaître tes voies."
Tant que domina l'influence du grand père du monde nouveau, tant qu'on s'attacha à ses maximes, que le
monde fut entouré d'une atmosphère de sainteté, quoi d'étonnant que ceux qui vivaient loin de Dieu et de la
piété, sentissent le ciel, son influence, son autorité, dans une intolérable proximité, et que dans ces
circonstances, ils ne pussent pas marcher, mais seulement ramper, c'est-à-dire qu'ils n'étaient pas libres de
marcher d'après les regards de leurs yeux et l'imagination de leur coeur! Nemrod les affranchit de cette
servitude. Par l'apostasie qu'il introduisit, par la liberté de vie qu'il développa chez ceux qui se rallièrent
autour de lui, et en les éloignant des saintes influences qui les avaient déjà plus ou moins travaillés, il les aida
à repousser Dieu et la stricte spiritualité de sa loi, et devint ainsi l'Élévateur des cieux, amenant les hommes
à penser, à agir, comme si les deux étaient loin de la terre, et comme si le Dieu des cieux ne pouvait voir à
travers un épais nuage, ou comme s'il ne voyait pas avec déplaisir les violateurs de ses lois. Dès lors tous
ceux-là sentaient qu'ils pouvaient respirer à l'aise et marcher en toute liberté. Pour cette raison, ces hommes de la foi patriarcale et à délivrer de la crainte de Dieu et des jugements célestes qu'ils éprouvèrent sans doute
tant que dura le souvenir du déluge. Et suivant les principes de la corruption humaine ce fut sans doute là un
des grands éléments de sa réputation: car les hommes se rallient vite autour de celui qui peut donner la
moindre apparence de raison à une doctrine qui leur dit: vous pouvez être assuré du ciel et de votre bonheur
sans changer de coeur et de nature, et en vivant sans Dieu dans le monde.
Une tradition Polynésienne nous décrit la grandeur de ce don fait aux hommes par Nemrod, de l'avis des
impies, lorsqu'il les arrache aux impressions de la vraie religion et à l'autorité du ciel. John Williams, le
missionnaire bien connu, nous dit que, d'après une ancienne tradition des mers du Sud, "les cieux étaient à
l'origine si près de la terre, que les hommes ne pouvaient pas marcher, mais ils étaient obligés de ramper.
C'était là un grand mal; mais à la fin quelqu'un conçut l'idée d'élever les cieux à une hauteur plus convenable:
pour cela, il déploya toute son énergie, et d'un premier effort les souleva à la hauteur d'une plante délicate
appelée teve, haute d'environ quatre pieds. Là il les laissa un instant jusqu'à ce qu'il se fût reposé, puis par un
second effort, il les souleva jusqu'à la hauteur d'un arbre appelé Kanakiri, qui est aussi grand que le Sycomore.
Au troisième effort, il les éleva jusqu'à la hauteur des montagnes. Enfin, après un long repos, il les éleva à leur
hauteur actuelle. C'est pour cela qu'il fut divinisé comme un puissant bienfaiteur de l'humanité, et, jusqu'au
jour où ils embrassèrent le christianisme, les mortels trompés l'adorèrent comme l'Élévateur des cieux27." Or,
comment mieux décrire que par cette fable polynésienne la situation de l'humanité après le déluge, et la
conduite de Nemrod ou Phoronée l'Émancipateur28?
Tandis que cette effrayante catastrophe par laquelle Dieu manifesta sa justice vengeresse sur les pécheurs de
l'ancien monde était encore dans toutes les mémoires, tant que Noé et ses descendants fidèles cherchaient avec
zèle à graver dans l'âme de leurs disciples les leçons que cet événement solennel était si propre à leur
enseigner, le ciel, c'est-à-dire Dieu, devait paraître tout rapproché de la terre.
Maintenir l'union entre le ciel et la terre, et la maintenir aussi étroite que possible, tel doit avoir été le grand
but de tous ceux qui aimaient Dieu et les intérêts de l'humanité. Mais cela impliquait qu'il fallait s'abstenir
et se débarrasser de toute espèce de vice, et de tous ces plaisirs de péché après lesquels l'esprit naturel non
renouvelé, non sanctifié soupire continuellement. C'est là ce que tout esprit impur doit avoir senti comme un
état d'insupportable esclavage. "L'affection de la chair est ennemie de Dieu, elle n'est pas soumise à la loi de
Dieu, et aussi elle ne le peut." Elle dit au Tout-Puissant: "Retire-toi de nous, car nous ne désirons pas
connaître tes voies."
Tant que domina l'influence du grand père du monde nouveau, tant qu'on s'attacha à ses maximes, que le
monde fut entouré d'une atmosphère de sainteté, quoi d'étonnant que ceux qui vivaient loin de Dieu et de la
piété, sentissent le ciel, son influence, son autorité, dans une intolérable proximité, et que dans ces
circonstances, ils ne pussent pas marcher, mais seulement ramper, c'est-à-dire qu'ils n'étaient pas libres de
marcher d'après les regards de leurs yeux et l'imagination de leur coeur! Nemrod les affranchit de cette
servitude. Par l'apostasie qu'il introduisit, par la liberté de vie qu'il développa chez ceux qui se rallièrent
autour de lui, et en les éloignant des saintes influences qui les avaient déjà plus ou moins travaillés, il les aida
à repousser Dieu et la stricte spiritualité de sa loi, et devint ainsi l'Élévateur des cieux, amenant les hommes
à penser, à agir, comme si les deux étaient loin de la terre, et comme si le Dieu des cieux ne pouvait voir à
travers un épais nuage, ou comme s'il ne voyait pas avec déplaisir les violateurs de ses lois. Dès lors tous
ceux-là sentaient qu'ils pouvaient respirer à l'aise et marcher en toute liberté. Pour cette raison, ces hommes ne pouvaient que voir en Nemrod leur grand bienfaiteur.
Or qui aurait pu croire qu'une tradition de Tahiti illustrerait l'histoire d'Atlas? Et cependant rapprochez Atlas
portant les cieux sur ses épaules de ce héros déifié des mers du Sud, qui rendit le monde heureux en soulevant
les cieux qui l'écrasaient, et vous trouvez entre les deux une analogie extraordinaire29!
Ainsi, on voit qu'Atlas avec les cieux reposant sur ses larges épaules ne se rapportait pas simplement à une
célébrité astronomique quelque grande qu'elle fût, comme quelques-uns l'ont pensé, mais bien à quelque chose
d'entièrement différent, à cette grande apostasie des Géants révoltés contre le ciel30 et dans laquelle Nemrod
le puissant reconnu de tous comme chef31 occupait une place si importante.
D'après le système que Nemrod contribua si fort à introduire, les hommes furent amenés à croire qu'un
changement spirituel du coeur n'était pas nécessaire, et que si cependant il était nécessaire, ils pouvaient être
régénérés par des moyens extérieurs.
Si l'on étudie la question à la lumière des orgies de Bacchus qui, on l'a vu, rappelaient le souvenir de Nemrod,
il est évident qu'il entraîna les hommes à chercher leur souverain bien dans les plaisirs sensuels, et leur montra
comment ils pouvaient jouir des plaisirs du péché sans avoir à craindre en aucune façon la colère du Dieu de
sainteté. Dans ces nombreuses expéditions il était toujours suivi de troupes de femmes; et par la musique, le
chant, les réjouissances et les fêtes, et tout ce qui pouvait plaire au coeur humain naturel, il se recommandait aux bonnes grâces de l'humanité.

Section 4 - Mort de l'Enfant:

L'Écriture ne nous dit rien de la mort de Nemrod. Une ancienne tradition dit qu'il mourut de mort violente.
Cependant les circonstances de cette mort, telles que l'antiquité nous les retrace, sont entourées de légendes.
On dit que les tempêtes envoyées par Dieu contre la tour de Babel la renversèrent, et que Nemrod fut écrasé
sous ses ruines1. C'est impossible, car nous avons des preuves suffisantes pour établir que la tour de Babel
subsista longtemps après Nemrod. L'histoire profane parle aussi de la mort de Ninus d'une manière
mystérieuse et confuse, bien qu'un récit nous dise qu'il mourut d'une mort violente semblable à celle de
Penthée2, Lycurgue3 et Orphée4, qui, dit-on, furent mis en pièces5. L'identité de Nemrod et d'Osiris étant
cependant établie, nous avons des renseignements sur la mort de Nemrod. Osiris mourut de mort violente et
cette mort a été le thème central de toute l'idolâtrie Égyptienne. Si Osiris est le même que Nemrod, comme
nous l'avons vu, cette mort violente que les Égyptiens déploraient d'une manière si pathétique était exactement
celle de Nemrod. Les récits de la mort du dieu adoré dans plusieurs mystères de bien des pays différents
tendent tous au même but. Un passage de Platon semble montrer qu'à son époque, l'égyptien Osiris était
regardé comme identique à Tammuz6, et Tammuz, on le sait bien, était le même qu'Adonis7 le fameux
chasseur, dont la mort fit pousser à Vénus de si amères lamentations. Comme les femmes d'Égypte pleurèrent
Osiris, comme les Phéniciennes et les Assyriennes pleurèrent Tammuz, ainsi en Grèce et à Rome les femmes
pleurèrent Bacchus, dont le nom, nous l'avons vu, signifie celui qu'on regrette, celui qu'on pleure.
Et maintenant, si on se rappelle les lamentations des Bacchantes, on verra l'importance des rapports qu'il y
a entre Nebros, le faon tacheté, et Nebrod le puissant chasseur. Le Nebros, ou faon tacheté, était le symbole
de Bacchus représentant Nebrod ou Nemrod lui-même. Or, à de certaines occasions dans les fêtes mystiques,
le Nebros ou faon tacheté était mis en pièces, comme nous le voyons dans Photius, en souvenir de ce qui
arriva à Bacchus8, que ce faon représentait. Cette action de mettre en pièces Nebros le tacheté confirme cette
conclusion que la mort de Bacchus, comme la mort d'Osiris, représentait celle de Nebrod que les Babyloniens
adoraient sous le nom de "tacheté". Bien que nous ne trouvions aucun récit des mystères observés en Grèce
en mémoire d'Orion, le gigantesque et puissant chasseur chanté par Homère, cependant il mourut de la même
manière qu'Osiris et fut enlevé au ciel, s'il faut en croire les symboles qui le représentaient9. Des récits persans nous assurent expressément que Nemrod fut après sa mort divinisé sous le nom d'Orion, et placé au rang des
étoiles10. Nous avons donc des preuves abondantes et concordantes tendant toutes à la même conclusion,
savoir, que Nemrod, l'enfant adoré dans les bras de la déesse-mère de Babylone, mourut d'une mort violente.
Or, ce héros puissant ayant été subitement enlevé par une mort violente au milieu d'une glorieuse carrière,
grande fut l'émotion que produisit cette catastrophe. Lorsque la nouvelle se répandit au loin, les amis du
plaisir sentirent que le meilleur bienfaiteur de l'humanité venait de mourir, et la gaieté disparut. Grandes
furent les lamentations qui montèrent au ciel parmi les apostats de la foi primitive, pour une mort si cruelle.
Alors commencèrent ces pleurs sur Tammuz, ces cérémonies coupables qu'adoptèrent même les filles d'Israël,
et dont on voit des traces non seulement dans les annales de l'antiquité classique, mais encore dans la
littérature du monde entier, depuis l'Ultima Thulé jusqu'au Japon. Voici ce que nous dit le Rev. W. Gillespie
à propos de ces lamentations chez les Chinois: "La fête du bateau-dragon se célèbre au milieu de l'été, et c'est
une époque de solennités très importantes. Il y a environ 2000 ans, vivait un jeune mandarin chinois, Wat-
yune, fort respecté et aimé du peuple. Au désespoir général, il se noya subitement dans la rivière. Bien des
bateaux coururent immédiatement à sa recherche, mais on ne put jamais retrouver son corps. Depuis cette
époque, le même jour du mois, les bateaux-dragons vont à sa recherche. C'est, ajoute l'auteur, quelque chose
comme les lamentations à propos d'Adonis, ou les pleurs sur Tammuz dont parle l'Écriture11." – Comme le
grand dieu Buddh est d'ordinaire représenté en Chine sous les traits d'un nègre, cela peut servir à l'identifier
au bien-aimé mandarin dont on déplore annuellement la perte. Le système religieux du Japon s'accorde avec
celui de la Chine. En Islande et dans la Scandinavie, il y avait des lamentations semblables sur la perte du dieu
Balder. Balder, par suite de la trahison du dieu Loki, l'esprit du mal, suivant ce qui avait été écrit au livre de
la destinée, fut mis à mort, bien que l'empire du ciel dépendit de sa vie. Son père Odin avait appris le terrible
secret du livre de la destinée, ayant du fond de la demeure infernale conjuré l'un des Volar. Tous les dieux
tremblèrent à cette terrible nouvelle; alors Frigga (la femme d'Odin) invoque toute espèce d'objet animé ou
inanimé, pour lui faire jurer de ne pas détruire Balderon ni de fournir des armes contre lui. Le feu, l'eau, les
rochers, les végétaux furent enchaînés par cette obligation solennelle. Une seule plante, le gui, fut oubliée:
Loki s'en aperçût, et fit de cette plante méprisée l'arme fatale. Parmi les délassements belliqueux du Valhalla
(l'assemblée des dieux), il en était un qui consistait à lancer des traits à la divinité invulnérable, qui éprouvait
du plaisir à présenter à leurs coups sa poitrine enchantée. Tandis qu'on jouait ainsi, le génie du mal mit dans
la main de l'aveugle Hoder une flèche en bois de gui, et la lança vers le but. La prédiction redoutée se trouva
accomplie par un fratricide involontaire12. Les spectateurs furent frappés d'une surprise indicible; leur malheur était d'autant plus grand que personne, par respect pour la sainteté du lieu, n'osa venger cette mort.
Au milieu des pleurs et des lamentations on transporta sur le rivage le corps inanimé; on le plaça sur un navire
comme sur un bûcher funéraire, avec le corps de sa belle fiancée Nanna qui venait de mourir le coeur brisé.
Son coursier et ses armes furent brûlés en même temps, conformément à l'usage dans les obsèques des anciens
héros du nord. Alors sa mère Frigga fut anéantie par la douleur. "Inconsolable de la mort de son fils, dit le Dr.
Crichton, elle envoya Hermod (le léger) à la demeure de Héla (la déesse de l'enfer ou des régions infernales),
pour offrir une rançon afin de le délivrer. La sombre déesse promit de lui rendre la vie, à la condition que tout
le monde sur la terre pleurerait sa mort. Alors des messagers furent envoyés par toute la terre, afin de veiller
à l'exécution de cet ordre, et l'effet du chagrin général fut à peu près le même que lorsqu'il y a une fonte
universelle des glaces13." Dans les deux légendes il y a des variations considérables de l'histoire primitive;
mais au fond la substance de ces histoires est la même, et il est facile de voir qu'elles ont dû dériver d'une source commune.

Section 5 - Déification de l'Enfant:

Personne ne fut mêlé à la mort de Nemrod plus que sa femme Sémiramis qui, sortie d'une humble
condition, s'éleva au point de partager avec lui le trône de Babylone. Que fera-t-elle en cette circonstance?
Résignera-t-elle tranquillement la pompe et le faste auxquels elle a été élevée? Non. Bien que la mort de son
mari ait donné un rude choc à sa puissance, son orgueil, son ambition effrénée ne se décourageront pas. Bien
au contraire, cette ambition ne fit que s'accroître. Vivant, son mari fut honoré comme un héros; mort, elle le
fera adorer comme un dieu, bien plus, comme la semence promise à la femme, Zero-ashta1, qui était destinée à écraser la tête du serpent, et qui dans cette victoire devait aussi avoir le talon écrasé.

Les patriarches de l'ancien monde en général connaissaient parfaitement la grande promesse faite autrefois
en Éden, et ils savaient bien que l'écrasement du talon de la semence promise impliquait la mort du vainqueur,
et que la malédiction ne pouvait être ôtée de dessus le monde que par la mort du grand libérateur. Si la
promesse concernant l'écrasement de la tête du serpent raconté dans la Genèse fut réellement faite à nos
premiers parents, et que toute l'humanité trouve en eux leur origine, il
faut s'attendre à en trouver quelque trace chez tous les peuples. Or, c'est
précisément ce qui a lieu. On trouverait à peine un seul peuple ou une
seule tribu dont la mythologie n'y fasse allusion. Les Grecs représentaient
leur grand dieu Apollon comme égorgeant le serpent Python, et Hercule
comme étouffant des serpents alors qu'il était encore au berceau. En
Égypte, dans l'Inde, en Scandinavie, au Mexique, nous trouvons des
allusions évidentes à cette même vérité. Le mauvais génie des adversaires
du dieu égyptien Horus, dit Wilkinson, est souvent représenté sous la
forme d'un serpent dont il perce la tête avec une épée. On trouve la même
fable dans l'Inde, où le mauvais serpent est écrasé par Vichnou, dans son avatar Crishna2 (fig. 23).

Et le dieu Scandinave Thor écrasa, dit-on, avec sa massue la tête du grand serpent. L'origine de cette légende,
dit-il, doit se rattacher à la Bible. Les Mexicains avaient aussi la même croyance; ce qui le prouve, c'est que
d'après Humboldt, le serpent écrasé par le grand esprit Teotl, alors qu'il prend la forme d'une des divinités
subalternes, est le génie du mal, un véritable Cacodasmon3. Or, dans presque tous les cas, si l'on examine soigneusement le sujet, on verra que le dieu qui détruit le serpent est représenté comme endurant des maux
et des souffrances qui amènent sa mort. Ainsi le dieu Thor qui réussit enfin à détruire le grand serpent périt,
dit-on, au moment même de la victoire, d'un souffle venimeux de son haleine4. C'est ainsi, paraît-il, que les
Babyloniens représentaient leur grand destructeur du serpent parmi les statues de leur ancienne sphère. Sa
mystérieuse souffrance est ainsi décrite par le poète Grec Aratus, dont le langage montre que, lorsqu'il
écrivait, on avait généralement perdu le sens de cette image, quoiqu'elle soit assez significative lorsqu'on la
considère à la lumière de l'Écriture:
"On voit une figure humaine minée par la fatigue; cependant on ne sait quel nom lui donner. On ignore quel
travail cette créature accomplit. Mais comme elle semble tomber sur ses genoux les mortels ignorants
l'appellent Engonasis, et tandis que ses deux mains s'élèvent vers les cieux, la tête horrible d'un dragon s'agite
au-dessus d'elle, son pied droit semble demeurer immobile, fixé sur la crête brune du monstre qui se débat5."
La constellation qui est ainsi représentée est ordinairement connue sous le nom de "celui qui s'agenouille",
d'après la description du poète grec; mais il est évident que comme Engonasis venait de chez les Babyloniens,
il faut l'interpréter non dans un sens Grec, mais dans un sens Chaldéen; ainsi interprété, comme l'implique
l'action même du tableau, le nom du mystérieux martyr est "celui qui écrase le serpent6". Quelquefois,
cependant, l'écrasement du serpent était représenté comme un acte beaucoup plus facile; la mort néanmoins
en était le résultat ultérieur; et cette mort du destructeur du serpent est décrite de manière à ne laisser aucun
doute sur l'origine de cette légende. C'est particulièrement le cas pour le dieu des Hindous, Crishna, dont parle
Wilkinson dans l'extrait que nous avons déjà donné. La légende qui le concerne contient toute la promesse
faite autrefois en Éden, et cela d'une manière frappante. Tout d'abord ce dieu est représenté sur des tableaux
et dans des statues, comme ayant le pied sur la tête du grand serpent7, et ensuite lorsqu'il l'a détruit, il meurt,
dit la fable, frappé au pied d'une flèche; et, de même que pour Tammuz, il y a chaque année de grandes
lamentations sur sa mort8. Même en Grèce, dans l'histoire classique de Paris et d'Achille, nous avons une
allusion évidente à cette partie de la promesse antique concernant l'écrasement du talon du vainqueur. Achille,
fils unique d'une déesse, était invulnérable partout, excepté au talon. Mais là, la blessure était mortelle. Son
ennemi le visa en cet endroit et le tua.
Or, puisque nous avons la preuve que même les païens savaient que le Messie promis devait "par sa mort
détruire la mort et celui qui a le pouvoir de la mort, c'est-à-dire le diable", combien l'impression de l'humanité
en général, à l'égard de cette vérité capitale, doit avoir été puissante aux jours de Sémiramis, alors qu'on était
si près de la source de toute la tradition divine! Quand donc le nom de Zoroastre, la semence de la femme,
fut donné à celui qui périt au milieu d'une carrière prospère de culte idolâtre et d'apostasie, on ne peut douter
du sens qui fut attaché à ce nom. La mort violente du héros qui dans l'estime de ses partisans avait tant fait
pour l'humanité, afin de rendre l'homme heureux et de le délivrer de la crainte de la colère à venir, au lieu
d'empêcher qu'on ne lui décernât ce titre, contribua à ce projet audacieux. Tout ce qu'il fallait pour appuyer
ce dessein de la part de ceux qui voulaient une excuse pour se détourner du vrai Dieu et embrasser l'apostasie,
c'était précisément d'annoncer que le grand patron de l'apostasie, tout en ayant succombé sous la malice des
hommes, s'était offert volontairement pour le bien de l'humanité. Or c'est ce qui arriva. D'après la version
Chaldéenne de l'histoire du grand Zoroastre, celui-ci supplia le Dieu suprême du ciel de lui prendre sa vie;
sa prière fut exaucée, et il expira en assurant à ses disciples que s'ils vénéraient convenablement sa mémoire,
l'empire ne sortirait jamais de la main des Babyloniens9. Ce que dit Berosus, l'historien de Babylone, sur la
décapitation du grand dieu Belus, tend à là même conclusion. Belus, nous dit Berosus, ordonna à l'un des
dieux de lui couper la tête, afin qu'avec le sang qui se répandrait ainsi par son ordre et avec son consentement on pût former de nouvelles créatures quand ce sang se mêlerait à la terre, la première création étant
représentée comme une sorte d'échec10. Ainsi la mort de Belus ou Nemrod, comme celle qu'on attribue à
Zoroastre, était représentée comme entièrement volontaire, et comme subie pour le bien du monde.

Il semble que les Mystères secrets ne furent établis qu'à la déification du héros. La forme antérieure de
l'apostasie pendant la vie de Nemrod paraît avoir été ouverte et publique. Or, on sentait que la publicité était
hors de question. La mort du grand chef de l'apostasie n'était pas celle d'un guerrier mort dans la bataille, mais
l'acte d'une rigueur judiciaire, solennellement infligée. C'est là un fait bien établi par la mort de Tammuz et
d'Osiris.

Voici sur Tammuz un récit qui nous est fourni par le célèbre Maimonide, homme versé profondément dans
toute la science des Chaldéens: "Le faux prophète nommé Tammuz ayant prêché à un certain roi, pour lui faire
adorer les sept étoiles et les douze signes du Zodiaque, ce roi ordonna qu'il fût livré à une mort horrible. La
nuit de sa mort, toutes les statues se réunirent des bouts de la terre dans le temple de Babylone devant la
grande statue dorée du soleil qui était suspendue entre le ciel et la terre. Cette statue se prosterna elle-même
au milieu du temple, et toutes celles qui l'entouraient en firent de même, tandis qu'elle leur racontait tout ce
qui venait d'arriver à Tammuz. Les statues pleurèrent et se lamentèrent toute la nuit et le matin, s'enfuirent
chacune dans son temple jusqu'aux extrémités du monde. De là vint la coutume de pleurer et de se lamenter
sur Tammuz le premier jour du mois Tammuz11." Il y a là évidemment toute l'extravagance de l'idolâtrie, telle
qu'on la trouve dans les livres sacrés des Chaldéens que Maimonide avait consultés; mais il n'y a aucune
raison de douter du fait établi, soit quant à la cause, soit quant à la manière dont Tammuz mourut. Dans cette
légende Chaldéenne, il est dit que ce fut par l'ordre d'un certain roi que le chef de l'apostasie fut tué. Qui
pouvait être ce roi qui s'opposait si catégoriquement au culte du Dieu des cieux? D'après ce qu'on nous raconte
du dieu Égyptien Hercule, nous avons beaucoup de lumière sur ce sujet. Wilkinson croit que le plus ancien
Hercule, celui qui était vraiment l'Hercule primitif était celui qui passait en Égypte pour avoir par la puissance
des dieux12 (c'est à dire par l'Esprit) combattu et vaincu les géants. Or, sans doute, le titre et le caractère
d'Hercule furent plus tard donnés par les païens à celui qu'ils adoraient comme le grand libérateur ou Messie,
exactement comme les adversaires des divinités païennes furent stigmatisés comme les Géants qui se
révoltèrent contre le ciel. Mais que le lecteur réfléchisse seulement sur ce qu'étaient ces vrais Géants qui
luttaient contre le ciel. C'étaient Nemrod et ses partisans; car les Géants étaient précisément ces hommes forts
dont Nemrod était le chef. Qui donc devait maintenant résister à l'apostasie du culte primitif? Si Sem était
encore en vie, et il l'était certainement, qui le pouvait comme lui? Aussi conformément à cette conclusion,
nous voyons que l'un des noms de l'Hercule primitif en Égypte était Sem13.
Si donc Sem était l'Hercule primitif qui vainquit les Géants et cela non point par la force physique, mais par
la puissance de Dieu, ou l'influence de l'Esprit-Saint, cela s'accorde entièrement avec son caractère; bien plus,
cela s'accorde admirablement avec l'histoire égyptienne de la mort d'Osiris. Les Égyptiens disent que le grand
ennemi de leur dieu le vainquit, non par la violence ouverte, mais ayant formé une conspiration avec soixante-
douze des principaux Égyptiens, il s'empara de lui, le mit à mort et coupa son cadavre en morceaux, et en
envoya les différents morceaux à autant de villes de la nation14.

On comprendra le vrai sens de ce récit en jetant un coup d'oeil sur les institutions judiciaires de l'Égypte.
C'était exactement soixante-douze juges civils et religieux qui devaient, suivant les lois égyptiennes,
déterminer quel serait le châtiment d'une offense aussi grave que celle d'Osiris, en supposant que cela fût devenu l'objet d'une enquête judiciaire. Il y avait naturellement deux tribunaux chargés de trancher la question.
D'abord les juges ordinaires, qui avaient pouvoir de vie et de mort, et qui étaient au nombre de trente15, puis
il y avait au-dessus un tribunal composé de quarante-deux juges qui avait à décider, dans le cas où Osiris
serait condamné à mort, si son corps serait enterré ou non, car avant l'ensevelissement chacun devait, après
la mort, passer par l'ordalie de ce tribunal16. – Comme la sépulture lui fut refusée les deux tribunaux devaient
nécessairement être en cause; ainsi il devait y avoir exactement soixante-douze personnes sous la présidence
de Typhon pour condamner Osiris à mort et à être coupé en morceaux. Que signifie donc cette déclaration
à propos de la conspiration, si ce n'est que l'adversaire du système idolâtre introduit par Osiris avait si bien
convaincu les juges de l'énormité de la faute qu'ils allaient commettre, qu'ils livrèrent le coupable à une mort
horrible et ensuite à l'ignominie, afin d'effrayer tous ceux qui plus tard seraient tentés de l'imiter. Le
déchirement du cadavre et la dispersion de ces débris dans les différentes cités trouvent leur parallèle et leur
explication dans ce que la Bible raconte de la mort et du démembrement de la femme d'un Lévite (Juges XIX,
29) et de l'envoi de chacun de ces débris à chaque tribu d'Israël; nous en voyons encore le pendant à propos
de l'histoire de Saül coupant en morceau une paire de boeufs, et les envoyant dans toutes les villes du royaume
(I Samuel XI, 7). Les commentateurs admettent que le Lévite et Saül agissaient d'après une coutume des
patriarches, suivant laquelle il fallait qu'une vengeance sommaire punisse ceux qui manquaient de se rendre
à l'assemblée où ils étaient solennellement convoqués. C'est ce que déclare si explicitement Saül, lorsqu'il
envoie les débris des boeufs: "Quiconque ne suivra pas Saül et Samuel, sera traité comme ces boeufs." De
même quand les soixante-douze conspirateurs envoyèrent dans les différentes villes les débris du corps
d'Osiris, cela équivalait à déclarer solennellement ceci: "Quiconque fera comme Osiris aura le même sort, il
sera comme lui mis en pièces."

Quand l'irréligion et l'apostasie se développèrent de nouveau, cette action à laquelle furent entraînées les
autorités constituées qui avaient à faire avec le chef des apostats pour détruire le système combiné d'irréligion
et de despotisme élevé par Osiris ou Nemrod, cette action causa naturellement une profonde horreur à tous
ses amis; et pour y avoir pris part, le principal acteur fut stigmatisé du nom de Typho, ou le Méchant17.
L'influence que Typho avait sur les esprits de ces soi-disant conspirateurs, si on considère la force physique de Nemrod, doit avoir été merveilleuse, et sert à montrer que tout en étant lui-même flétri d'un nom abhorré,
et bien que son action vis-à-vis d'Osiris soit couverte d'un voile, il n'était autre néanmoins que cet Hercule
antique qui vainquit les Géants par la puissance de Dieu, par le pouvoir persuasif de l'Esprit-Saint.

Le mythe qui fait périr Adonis, identifié à Osiris sous la dent d'un sanglier, s'explique aisément si on le
rapproche de ce caractère de Sem18. La défense du sanglier était un symbole. Dans l'Écriture, la défense est
appelée une corne19; beaucoup de Grecs classiques l'envisageaient ainsi20. Si donc on se rappelle que la
défense est regardée comme une corne suivant le symbolisme de l'idolâtrie, il ne faut pas chercher bien loin
le sens de la défense du sanglier, cause de la mort d'Adonis. Les cornes de taureau que Nemrod portait, étaient
le symbole de la force physique. Les dents du sanglier étaient le symbole de la puissance spirituelle. Comme
une corne signifie puissance, ainsi une défense, une corne, dans la bouche, signifie la puissance dans la
bouche, en d'autres termes, la puissance de persuasion, le pouvoir même dont Sem, l'Hercule primitif, était
revêtu d'une manière si extraordinaire. Les anciennes traditions des Galls elles-mêmes, nous fournissent une
nouvelle preuve qui met en relief cette idée de puissance dans la bouche et la met en rapport avec le fils
célèbre de Noé sur lequel, dit l'Écriture, les bénédictions du Ires-Haut reposaient tout particulièrement.
L'Hercule celtique était appelé Ogmius Hercules, ce qui en chaldéen veut dire Hercule qui se lamente21. Aucun
nom ne pouvait mieux lui convenir, aucun autre ne pouvait mieux indiquer l'histoire de Sem.

À part notre premier père, Adam, jamais aucun homme n'a vu autant de tristesse que lui. Non seulement il
fut témoin d'une grande apostasie qui, avec ses sentiments de droiture, et témoin comme il l'avait été de la
terrible catastrophe du déluge, doit l'avoir profondément affligé, mais encore il vécut assez pour ensevelir sept
générations de ses descendants. Il vécut 502 ans après le déluge, et comme la vie de l'homme diminua
beaucoup après cet événement, il ne vit pas moins de sept générations de sa postérité (Genèse XI, 10-32).
Comme ce nom d'Ogmius, celui qui se lamente ou qui pleure, s'applique bien à quelqu'un qui a eu une histoire
semblable! Mais comment cet Hercule qui pleure est-il représenté comme renversant les iniquités et redressant
les torts? Ce n'est pas par la massue, comme l'Hercule grec, mais par la force de la persuasion. On nous
montre les foules qui marchent après lui traînées par de belles chaînes d'or et d'ambre passées dans l'oreille,
et ces chaînes sortaient de sa bouche22. Il y a une grande différence entre les deux symboles: les défenses du
sanglier et les chaînes dorées qui sortent de la bouche, et mènent par les oreilles des foules bien disposées,
mais tous les deux illustrent d'une manière admirable la même idée, la puissance de cette force persuasive qui,
pendant un temps, permit à Sem de résister au flot de corruption qui se répandait rapidement sur le monde.
Or, lorsque Serri eut si puissamment agi sur les esprits des hommes pour les amener à faire du grand apostat

un terrible exemple, et que les membres dispersés de l'apostat furent envoyés aux principales villes où son
système s'était établi, on le comprendra bien vite, dans ces circonstances, si l'idolâtrie devait durer, si par-
dessus tout elle devait se développer, il était indispensable qu'elle agit en secret. La terreur d'une exécution
capitale, infligée à quelqu'un d'aussi puissant que Nemrod, rendait nécessaire, au moins pour quelque temps,
la plus extrême prudence. Ce fut dans ces circonstances, on ne peut en douter, que commença ce système de
Mystère, qui ayant Babylone pour centre, s'est répandu dans le monde entier. Dans ces mystères, sous le sceau
du secret et la sanction d'un serment, et au moyen de toutes les ressources fertiles de la magie, les hommes
furent graduellement ramenés à toute l'idolâtrie qui avait été publiquement supprimée, tandis que l'on ajoutait
à cette idolâtrie de nouveaux traits qui la rendaient encore plus blasphématoire que jamais. Nous avons des
faits abondants qui établissent que la magie et l'idolâtrie étaient soeurs jumelles et qu'elles sont venues dans
le monde en même temps. Zoroastre, dit l'historien Justin, inventa, dit-on, les arts magiques, et étudia avec
beaucoup de soin les mouvements des corps célestes23. Le Zoroastre dont parle Justin est le Bactrien
Zoroastre; mais on croit généralement que c'est une erreur. Stanley, dans son histoire de la philosophie
orientale, conclut que cette erreur vient d'une similitude de noms, et que pour cette raison on avait attribué
cette invention au Bactrien Zoroastre qui en réalité appartenait aux Chaldéens; car on ne peut imaginer que
le Bactrien fût l'inventeur de ces arts dans lesquels les Chaldéens, ses contemporains, étaient si habiles24.
Avant lui, Épiphane était évidemment arrivé, en substance, à la même conclusion. Il prétend, d'après les
preuves certaines qu'il en avait alors, que ce fut Nemrod qui établit les sciences de la magie et de l'astronomie,
dont l'invention fut plus tard attribuée au Bactrien Zoroastre25.

Comme nous avons vu que Nemrod et le Chaldéen Zoroastre ne font qu'une seule personne, les conclusions
de ceux qui ont fait ou qui font encore des recherches dans l'antiquité chaldéenne sont entièrement d'accord.
Or le système secret des Mystères donnait de grandes facilités pour frapper les sens des initiés au moyen de
tours d'adresse variés et d'artifices de magie. Malgré tout le soin et les précautions de ceux qui dirigeaient ces
initiations, il en est assez venu jusqu'à nous pour nous donner une juste idée de leur véritable caractère. Tout
était si bien combiné pour élever les esprits des novices au plus haut degré d'excitation, qu'après s'être livrés
entièrement au prêtre ils étaient préparés à recevoir n'importe quoi. Après que les candidats à l'initiation
étaient passés par le confessionnal et qu'ils avaient juré d'après les serments ordinaires, on leur présentait des
objets étranges et effrayants. Quelquefois le lieu où ils étaient semblait trembler autour d'eux; quelquefois il
se montrait brillant et resplendissant de lumière, puis il se couvrait de profondes ténèbres; quelquefois il y
avait des éclairs et du tonnerre; quelquefois des bruits épouvantables, des mugissements; quelquefois des
apparitions terribles étonnaient les spectateurs tout tremblants26. Puis enfin, le grand dieu, l'objet central de
leur culte, Osiris, Tammuz, Nemrod ou Adonis, leur était révélé de la manière la plus propre à adoucir leurs
sentiments et à engager leurs affections inconscientes. Voici le récit que fait de cette manifestation un ancien
païen. Il le fait, il est vrai, avec prudence, mais cependant de manière à montrer la nature du secret magique
par lequel on accomplissait ce miracle apparent: "Dans une manifestation qu'il ne faut point révéler, on voit
sur le mur du temple une masse de lumière qui, à première vue, semble très éloignée. Elle se transforme, en
s'agrandissant, en un visage évidemment divin et surnaturel, d'un aspect sévère, mais ayant un air de douceur.
Suivant les enseignements de la religion mystérieuse, les Alexandrins l'honorent comme Osiris ou Adonis27."
D'après ce passage, on n'en peut douter, l'art magique ainsi employé n'était autre chose que celui dont on fait
usage aujourd'hui dans la fantasmagorie moderne. Ces moyens-là, ou d'autres semblables, étaient employés
aux époques les plus reculées, pour offrir à la vue des vivants dans les mystères secrets ceux qui étaient déjà
morts. L'histoire ancienne contient des allusions à l'époque même de Sémiramis, qui impliquent que l'on pratiquait des rites magiques pour la même raison28, et comme dans des temps plus modernes on se servait
pour le même objet de la lanterne magique ou de quelque chose de semblable, il est permis de conclure que
dans des temps fort reculés on employait les mêmes moyens ou quelque chose d'analogue pour produire les
mêmes effets. Or, dans les mains des hommes rusés, entreprenants, c'était là un moyen puissant d'en imposer
à ceux qui voulaient qu'on leur en imposât, qui étaient opposés à la sainte religion spirituelle du Dieu vivant
et qui regrettaient encore le système qu'on avait renversé. Ceux qui contrôlaient les Mystères, ayant découvert
des secrets alors inconnus à la masse de l'humanité et qu'ils conservaient soigneusement sous leur surveillance
exclusive, pouvaient aisément leur donner ce qui paraissait une démonstration oculaire de ce fait que
Tammuz, qui avait été mis à mort et pour lequel il y avait eu tant de lamentations, était encore vivant et
environné d'une gloire divine. Venant des lèvres d'un homme si glorieusement révélé, ou ce qui dans la
pratique était la même chose, des lèvres de quelque prêtre invisible qui parlait en son nom, que pouvait-il y
avoir de trop merveilleux ou de trop incroyable pour être cru? Aussi tout le système des Mystères secrets de
Babylone tendait à glorifier un homme mort, et une fois le culte d'un mort établi, le culte de beaucoup d'autres
devait naturellement suivre. Ceci jette de la lumière sur le langage du psaume 106 (Psaumes 106, 28), où le
Seigneur reproche à Israël son apostasie: "Ils se sont attachés à Baalpeor, et ont mangé des sacrifices des morts."

C'est ainsi que s'est préparée la voie pour amener toutes les abominations et les crimes accomplis dans les
mystères; car pour ceux qui ne voulaient pas garder la connaissance de Dieu, qui préféraient quelque objet
visible de culte, approprié aux sentiments matériels de leurs esprits charnels, aucune raison ne devait paraître
plus péremptoire pour la foi et pour la pratique, que d'entendre de leurs propres oreilles un ordre donné au
milieu d'une apparition si glorieuse par la divinité même qu'ils adoraient.

Préparé avec cette habileté, le projet réussit. Sémiramis accrut encore sa gloire, grâce à son mari mort et
divinisé, et avec le temps tous les deux, sous le nom de Rhéa et Nin, ou la déesse-mère et le Fils, furent adorés
avec un enthousiasme incroyable: leurs statues s'élevèrent partout et devinrent l'objet du culte29. Partout où
le visage noir de Nemrod semblait devoir être un obstacle à son culte on tourna très aisément la difficulté.
Suivant la doctrine Chaldéenne de la transmigration des âmes, tout ce qui était nécessaire fut d'enseigner que
Ninus était revenu sous la forme d'un fils posthume, au teint blanc, enfanté surnaturellement par sa veuve
après l'entrée du père dans le séjour de gloire. Comme dans sa vie licencieuse et dissolue, Sémiramis eut
beaucoup d'enfants dont on ne connaissait pas les pères, un pareil expédient justifierait son péché, et en même
temps lui permettrait de satisfaire les désirs de ceux qui, tout en s'éloignant du culte de Jéhovah, n'auraient
cependant pas aimé se prosterner devant une divinité noire. D'après la lumière que l'Égypte a jetée sur
Babylone, autant que d'après la forme des statues qui existent encore de l'enfant Babylonien dans les bras de
sa mère, nous avons toutes sortes de raisons de croire que c'est ce qui se fit alors.

En Égypte, le blond Horus fils du noir Osiris, qui était l'objet favori du culte et qui était porté dans les bras
de la déesse Isis, naquit miraculeusement, dit-on, à la suite des relations de cette déesse avec Osiris après sa
mort30 et dans une nouvelle incarnation de ce dieu, pour venger sa mort sur ses meurtriers. Il est merveilleux
de trouver tant de pays si éloignés l'un de l'autre, et tant de millions de membres de la race humaine
aujourd'hui qui n'ont certainement jamais vu de nègres, et parmi lesquels cependant on adore un dieu noir.
Mais, parmi les nations civilisées de l'antiquité, comme nous le verrons plus loin, Nemrod tomba dans le
discrédit, et fut dépouillé de son ancien prestige, surtout à cause de sa difformité, ob deformitatem31. – Même
à Babylone, l'enfant posthume, identifié avec son père et cependant possédant plutôt les traits de sa mère,
devint le type favori du divin fils de la Madone.

Ce fils ainsi adoré dans les bras de sa mère était considéré comme revêtu de presque tous les attributs, et
appelé de presque tous les noms du Messie promis. De même que Christ dans l'hébreu de l'Ancien Testament,
est appelé Adonaï, le Seigneur, de même
Tammuz était appelé Adon ou Adonis. Sous le nom de Mithra, il était
adoré comme Médiateur32. Comme Médiateur et chef de l'alliance de
grâce, il était appelé Baal-berith, le Seigneur de l'alliance (Juges VIII, 33).
Sous ce caractère, on le représente (fig. 24) sur les monuments de Perse
comme assis sur l'arc-en-ciel, le symbole bien connu de l'alliance33. Dans
l'Inde, sous le nom de Vichnou, le Gardien ou le Sauveur des hommes,
quoiqu'étant un dieu, il était adoré comme l'Homme-Victime, qui, avant
que le monde ne fût, parce qu'il n'y avait point autre chose à offrir, s'offrit
lui-même en sacrifice34. Les écrits sacrés des Hindous nous disent que
cette mystérieuse offrande avant toute la création est le point de départ de tous les sacrifices qui ont été offerts
depuis ce moment35. Sera-t-on étonné de trouver cette déclaration dans les livres sacrés de la mythologie
païenne? Mais depuis que le péché est entré dans le monde, il n'y a jamais eu qu'un seul moyen de salut,
savoir, le sang de l'alliance éternelle, moyen que toute l'humanité connaissait, depuis les jours du pieux Abel.
Lorsqu'Abel, par la foi, offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn, c'était sa foi au sang de
l'agneau égorgé dans le dessein de Dieu depuis la fondation du monde, et qui devait être au temps voulu
immolé sur le calvaire, qui faisait toute l'excellence de cette offrande. Si Abel connaissait le sang de l'Agneau,
pourquoi les Hindous ne l'auraient-ils pas connu?
Il est un petit mot qui montre que même en Grèce la vertu du sang divin avait été autrefois connue, bien que
cette vertu dépeinte par les poètes Grecs fut entièrement obscurcie et dégradée. Ce mot, c'est Ichor. Tous ceux
qui ont lu les bardes de la Grèce classique, savent que Ichor est le terme spécialement approprié pour désigner
le sang d'une divinité. Voici ce que dit Homère à ce sujet: "Sur la paume de la main, coule l'Ichor (le sang)
incorruptible, liqueur subtile que laissent échapper les dieux bienheureux36."

Or quel est le sens de ce mot Ichor? En Grec, il n'a aucune signification étymologique, mais en Chaldéen, ce
mot veut dire: la chose précieuse. Un tel mot, appliqué au sang d'une divinité, ne pouvait avoir qu'une origine.
Il porte en lui-même la preuve de la source dont il est sorti: il vient de la grande tradition des patriarches qui
amena Abel à regarder au précieux sang de Christ, le don le plus précieux que l'amour divin ait pu faire à un
monde coupable, et qui en même temps que le sang de la vraie et seule victime humaine, est aussi en fait et
en vérité le sang de Dieu (Actes XX, 28). Même en Grèce, quoique la doctrine fût complètement corrompue,
elle ne s'était pas entièrement perdue. Elle était mêlée à des fables et à des faussetés, cachée à la multitude;
et néanmoins, elle occupait nécessairement dans le système mystique secret, une place importante. Servius
nous apprend que le grand but des orgies Bacchiques était la purification des âmes.

Or comme dans ces orgies on immolait régulièrement un animal pour verser ensuite son sang, en souvenir
de la grande divinité qui avait répandu son propre sang, cette aspersion symbolique du sang de la divinité
pouvait-elle n'avoir aucun rapport avec cette purification des péchés que les rites mystiques étaient censés
opérer! Nous avons vu que les souffrances du Babylonien Zoroastre et de Belus étaient expressément
représentées comme volontaires et comme subies dans l'intérêt de l'humanité, et cela, en conformité avec
l'écrasement de la tête du serpent qui impliquait la destruction du péché et de la malédiction. Si le grec
Bacchus était précisément une autre forme de la divinité Babylonienne, ses souffrances et l'aspersion du sang
doivent donc avoir été représentés comme ayant été endurés pour le même but, savoir, la purification des
âmes. Considérons de ce point de vue le nom bien connu de Bacchus en Grèce. Ce nom était Dionysus ou
Dionusos. Que peut-il signifier? Jusqu'ici, il a défié toutes les interprétations. Mais examinez-le comme
appartenant au langage de ce pays d'où le dieu tire son origine, et vous en comprendrez aisément le sens.
D'ion-nuso-s signifie celui qui porte le péché37, nom entièrement approprié au caractère de celui dont les
souffrances étaient représentées comme étant si mystérieuses, et qui était considéré comme le grand
purificateur des âmes.

Or ce dieu Babylonien connu en Grèce sous le nom de Celui qui porte le péché, et dans l'Inde sous celui de
l'Homme-Victime, était généralement invoqué, chez les Bouddhistes de l'Orient, dont le système contient des
principes Babyloniens incontestables, comme le "Sauveur du monde38". – On a toujours su que les Grecs
adoraient quelquefois le Dieu suprême sous le nom de Jupiter Sauveur; mais ce titre pensait-on, avait
simplement rapport à la délivrance dans la bataille, ou à quelque délivrance semblable. Or, si on considère
que Jupiter Sauveur n'était qu'un titre de Dionysus39 le Bacchus qui porte le péché, son caractère de Sauveur
apparaît sous une lumière entièrement différente. En Égypte, le dieu Chaldéen était un grand objet d'amour
et d'adoration; c'était le dieu par lequel la bonté et la vérité furent révélées à l'humanité40. Il était regardé
comme l'héritier prédestiné de toutes choses, et le jour de sa naissance, on avait entendu, disait-on, une voix
qui proclamait la naissance du seigneur de toute la terre41. Sous ce caractère on l'appelait le roi des rois, le
seigneur des seigneurs et c'était parce qu'il représentait ce dieu héros que le fameux Sésostris fit donner ce titre à son nom sur les monuments qu'il éleva pour perpétuer le souvenir de ses victoires42. Non seulement il
était honoré comme le grand roi du monde, mais il était regardé comme le seigneur du monde invisible et le
juge des morts; et on enseignait que dans le monde des esprits tous doivent comparaître devant son tribunal
pour subir le sort qui leur est destiné43. Comme le vrai Messie était annoncé sous le titre de "l'homme dont
le nom était la branche" et il était célèbre non seulement comme étant la branche de Cush, mais comme la
branche de Dieu, libéralement donnée à la terre pour la guérison de toutes les maladies auxquelles notre chair
est sujette44.
On l'adorait à Babylone sous le nom de El-Bar, ou Dieu le fils. C'est sous ce nom-là qu'il est donné par
Berosus, l'historien chaldéen, comme le second de la liste des souverains de Babylone45. Layard l'a découvert
sous ce nom dans les sculptures de Ninive, avec le signe qui indique El ou Dieu, placé devant le nom Bar le
Fils, en forme de préfixe46. Sous le même nom, Sir H. Rawlinson l'a aussi trouvé suivi immédiatement des
noms Beltis et Bar le brillant47. On l'adorait en Égypte sous le nom de Bar aux époques les plus reculées,
quoique dans des temps plus récents le dieu Bar ait été détrôné dans le Panthéon populaire pour faire place
à une autre divinité plus populaire encore48. Dans la Rome païenne même, ainsi que le déclare Ovide, on
l'adorait sous le nom de l'Enfant éternel49. – C'est ainsi qu'un simple mortel a été audacieusement et
ouvertement exalté à Babylone en opposition au Fils du Dieu béni éternernellement.


ALEXANDER HISLOP LES DEUX BABYLONES ou IDENTITÉ DE L'ÉGLISE ROMAINE ET DU CULTE DE NEMROD ET DE SÉMIRAMIS ILLUSTRÉ DE 61 GRAVURES Traduit de l'anglais PAR J. - E. CERISIER, pasteur. Les éditions Fischbacher.


2 commentaires:

  1. Mdr! Je ne suis même pas d'accord!
    L'église Catholique est la première dans le christianisme, arrêtez de la critiquer!
    Les gens ne sont pas bêtes!!! Vous ,au lieu de chercher votre salut,vous critiquez seulement!
    Le Pape,la personnalité la plus respectée!
    Il y a à présent des Pasteurs,reverand...qui font médicament pour faire des miracles,qui les critique?c'est DIEU qui juge! cela est dans la Bible!

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  2. Les protestants,c'est eux qui ont toujours des révélations mais des prédicateurs,mais après tout est faux! on a vu ça en Côte d'Ivoire, on a suivi les conseils d'un prédicateurs disons prophète pour aller faire la guerre croyant que Jésus nous délivrerait à la comme il nous l'avait dit!
    ON NOUS A TUE COMME DE PETITS OISEAUX!!

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